Créée collectivement avec des danseur·ses de Lagos, c’est encore et toujours la mémoire qui insuffle Re:Incarnation, la dernière chorégraphie vibrante et exaltante du nigérian Qudus Onikeku.
C’est à Bamako en 2010 que l’on a découvert le danseur et chorégraphe Qudus Onikeku lors de la biennale de danse en Afrique. Il y présentait un solo magnifique, My Exile is in my head, nourri des notes de prison de Wole Soyinka, The Man Died. En une suite de séquences qui semblaient reprendre en boucle la même phrase musicale et gestuelle, du calme déploiement des bras à l’accélération progressive de tous les mouvements du corps, proche de la transe et de l’oubli de soi, Qudus Onikeku explorait le cycle à l’identique des figures de l’exil. Ce solo tout en ruptures était aussi un duo et un dialogue avec le musicien Charles Amblard présent sur scène.
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Le groove de Lagos
Ensuite, on a retrouvé le chorégraphe nigérian au festival d’Avignon avec deux spectacles, STILL/Life en 2011, cosigné avec Damien Jalet, puis avec le solo Qaddish, en 2013, un voyage dans la mémoire de son père. A cette époque, Qudus Onikeku vivait en France. Depuis, il est reparti vivre à Lagos et y a fondé la QDance Company.
“Le point de départ de Re:incarnation, c’est avant tout le résultat de cinq années de rechercher autour de la mémoire corporelle avec de jeunes danseurs au Nigeria. Depuis mon retour dans ma ville natale, Lagos, j’ai entrepris de former, informer et inspirer une nouvelle génération de danseurs et de danseuses, avec lesquels nous avons développé une relation de confiance assez forte pour créer une pièce collective qui va montrer la profondeur de la culture noire, de sa joie, pure et intransigeante. Cette création est aussi le travail de toute une nouvelle génération d’artistes de Lagos et de jeunes danseurs qui n’ont pas une formation classique et occidentale mais qui ont l’énergie de la ville, le groove de Lagos”, indique Qudus Onikeku pour présenter cette “pièce chorégraphique afro urbaine”.
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Un spectacle explosif
Faute de représentation publique, elle est visible en streaming le 27 janvier sur le site de Beaubourg et reprogrammée en juin prochain. Un spectacle explosif qui réunit dix danseur·ses de Lagos, Adila Omotosho, Ambrose Tjark, Angela Okolo, Bukunmi Olukitibi, Busayo Olowu, Faith Okoh, Joshua Gabriel, Patience Ebute, Sunday Ozegbe et Yemi Osokoya. A leurs côtés, le musicien Olatunde Obajeun fait vibrer le plateau des rythmes afrobeat, en y mêlant le dance-hall, le hip-hop, l’électro, le tout en phase avec la construction de la pièce qui déroule trois séquences : la naissance, la mort et la renaissance.
Portrait de groupe
Une plongée dans la culture Yoruba et la vitalité de la culture urbaine dont sont issu·es les interprètes, d’une affolante jeunesse et d’une indomptable énergie. Un cercle soudé, telle est l’image initiale à partir de laquelle se déploie Re:Incarnation. Les gestes de la rue et ceux du quotidien évoluent bientôt en une succession de regroupements joyeusement foutraques.
Colorée, insolente, électrique, l’énergie contamine tout le plateau, jusqu’à la première rupture. Le chapitre de la mort est d’abord marqué par la lenteur, le pigment blanc qui recouvre les visages et les corps, le port de coiffes élaborées et le maniement de bâtons qui ritualisent la gestuelle tout en la menant jusqu’à la transe, au dérèglement, à l’exposition d’états paroxystiques qui trouve son acmé dans ce cri collectif baigné d’une lumière rouge.
Tout aussi affolante est l’ultime séquence de Re:Incarnation. Le corps enduit de pigment noir, le visage parfois masqué, chaque interprète y livre sa danse, son vocabulaire et son énergie gestuelle, avec une liberté confondante, soutenu par le regard du groupe. Une vision du collectif frémissante tant les singularités qui la composent en fondent le potentiel et en assurent la vitalité.
Créée sous le signe de la rencontre avec ces danseur·ses de Lagos, Re:Incarnation est tout autant un portrait de groupe qu’une ode à la vie, ce bien commun que chacun·e signe de son propre élan.
Re:Incarnation de Qudus Onikeku. En streaming le 27 janvier à 19h sur le site du Centre Pompidou. Puis le 4 mai à Chalon-sur-Saône, le 11 mai à Enghien-les-Bains, le 18 mai à Bezons, le 22 mai à Sète, le 25 mai à Châlons-en-Champagne, le 27 mai à Echirolles, le 9 juin à la Biennale de danse de Lyon et le 30 juin au Centre Pompidou.
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