Du 16 novembre 2018 au 14 avril 2019, la National Gallery Singapor accueille la plus grande exposition d’Asie du Sud consacrée à l’art minimaliste. « Minimalism : Space. Light. Object. », une expérience essentielle.
Face au mythique bateau de la Marine Bay Sands reposant sur trois gigantesques gratte-ciel, en plein centre de Singapour, les anciens bâtiments coloniaux de la National Gallery dénotent avec l’architecture environnante. Avec ses 64 000 mètres carrés, le musée est composé de l’ancienne mairie et de la Cour suprême reliée par une structure en verre ultra-moderne conçue par l’architecte français Jean-François Milou. Quand on pénètre dans le bâtiment par l’entrée principale, une première pièce attire notre regard. Réalisés à partir de bambou et de rotin, deux conteneurs de l’artiste cambodgien Sopheap Pich flottent dans l’air au-dessus de l’escalier de marbre et annoncent le thème de la nouvelle exposition. Et pour cause, la National Gallery Singapor et le ArtScience Museum s’associent pour la plus grande exposition minimaliste de l’Asie du Sud qui se tient du 16 novembre 2018 au 14 avril 2019.
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« Cargo » (© Sopheap Pich)
Avec plus de 150 œuvres, Minimalism : Space. Light. Object. est la première exposition à inclure autant d’artistes de la région comme faisant partie d’une perspective mondiale autour d’un mouvement artistique majeur. Les œuvres des contemporains d’Anish Kapoor ou d’Olafur Eliasson côtoient alors celles d’Ai Weiwei ou de Mona Hatoum. Peintures, sculptures, lumières, sons, danses, performances, design, nouvelles technologies… l’exposition expérimentale transforme l’espace et donne au spectateur la liberté de perception de ces objets.
« What you see is what you see »
Retraçant l’histoire du minimalisme né à la fin des années 1950 à New York, Minimalism : Space. Light. Object. montre aussi comment il s’est développé en Asie. Des contextes spatiaux, sociaux et politiques particuliers qui ont influencé les artistes du mouvement. Alors l’expérience s’ouvre sur une salle de quatre toiles, des monochromes noirs – dont la forme et la couleur varient en fonction d’où vous les regardez – réalisés par les pionniers américains du minimalisme comme AD Reinhardt, ou encore Frank Stella et sa célèbre citation rappelée sur les murs du musée : « What you see is what you see », « Ce que vous voyez est ce que vous voyez ».
Les artistes minimalistes vont ensuite s’éloigner petit à petit de la peinture sur toile, et ont commencé à produire des travaux en 3D au début des années 1960. A ce moment-là, le mouvement rejette les traditions de la sculpture ou le placement sur le mur. Alors parfois les œuvres sont posées à même le sol, et sont faites à partir de matériaux comme l’acier, le verre, ou encore le plastique pour souligner la marchandisation et la standardisation de la société. Avec des artistes comme Dan Flavin, Carl Andre ou Donald Judd le virage vers davantage d’objets ou de sculptures s’opère. La troisième salle se compose des célèbres structures lumineuses de Dan Flavin, les monument for V. Tatlin #43. Créée au milieu des années 1960 à partir de néons blancs fluorescents la série fait référence à Vladimir Tatline et son projet de monuments à la IIIe Internationale pour lequel la Russie a travaillé en 1920.
monument for V. Tatlin #43
1966–1969 (© 2018 Stephen Flavin / Artists Rights Society (ARS), New York)
Des espaces de liberté
Poursuivant ce travail autour de la lumière, l’installation du Japonais Tatsuo Miyajima est une plongée dans le monde bouddhiste et son cycle de la vie. Dans une pièce noire d’une centaine de mètres carrés de petites LED accrochées sur toutes les parois de la salle font un décompte répétitif de 9 à 1 en sautant à chaque fois le zéro. Tel un cycle. Intitulée Mega Death, l’oeuvre fait référence aux morts du XXe siècle en raison des guerres et conflits. « Si l’on regarde l’histoire de l’art, le minimalisme n’a jamais été une tendance dans l’art asiatique », note Eugene Tan, directeur de la National Gallery. « Il a pourtant bien existé, notamment dans l’idée de réduire les choses à leur essence pure, dans le fait de surligner les choses que l’on ne comprendrait pas. Cela fait vraiment partie de l’art et de la philosophie asiatique. » L’influence du bouddhisme et du zen sur les artistes minimalistes asiatiques mais aussi européens et américains se retrouve dans certaines expressions artistiques et dans leurs méthodes de production. On retrouve notamment la doctrine centrale du bouddhisme de l’éphémère et du vide dans le travail du chinois Zhang Yu.
Direction le ArtScience Museum et son architecture en forme de lotus blanc géant. Zhang Yu a mis au point une sculpture qui évolue dans le temps et prend la forme d’une performance autour de la tradition de la calligraphie taoïste. Dans un cube en plexiglas, il a disposé une pile de 5 000 feuilles de riz blanche avant de le remplir d’un mélange d’encre et d’eau. Dans un an, le cube blanc deviendra, par absorption, noir – un monochrome à forme géométrique qui devient l’un des symboles de l’esthétique minimaliste occidentale. « Participer à une exposition comme celle-là montre que les artistes asiatiques du XXIe siècle aussi sont allés loin », insiste Zhang Yu. Minimalism : Space. Light. Object. a en effet le mérite de donner la voix au minimalisme asiatique et ouvre la façon dont on considère l’art. « Ces œuvres sont comme des espaces de liberté ici à Singapour : des thèmes très modernes pour un Etat protecteur qui repousse les frontières », conclut la curatrice Silke Schmickl.
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