Une ode à la liberté d’expression, présentée en octobre à la Semaine d’art en Avignon, qui réunit Valère Novarina et Monteverdi.
Avec ce décor de feu et de lumières qui rougeoient sur le plateau, Jean Bellorini nous transporte illico dans la langue novarinienne et prend acte du titre de la pièce : ce Jeu des ombres s’appliquant à l’ensemble des comédien·nes, chanteur·euses et musicien·nes réuni·es par le metteur en scène pour donner chair à la vision tragi-comique du mythe d’Orphée et d’Eurydice imaginée par Valère Novarina, en la couplant à L’Orfeo de Monteverdi, enrichi et revisité avec bonheur par Sébastien Trouvé et Jérémie Poirier-Quinot.
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La bouffonnerie d’une existence rivée à la matière, thème novarinien en diable
Le jeu dont parle le titre est la clé du théâtre de Novarina et de Bellorini, tant dans la langue, bougrement inventive, que dans la création de personnages usant du grotesque pour mieux nous faire sentir la bouffonnerie d’une existence rivée à la matière, thème novarinien en diable, quand tout nous somme de fuir, de tenter l’expulsion hors de soi de la misère de vivre alors que la mort nous attend.
“Je continuais à vivre uniquement pour me venger d’exister”, lance un acteur au cœur du spectacle. D’un bout à l’autre, on sent la gourmandise de Jean Bellorini à faire exister le rare alliage de personnages défaussant le réel avec l’énergie du désespoir, avec l’invention d’une langue puisant dans la mythologie la lutte perdue d’avance de l’homme avec sa finitude, la perte, la séparation.
En guise de salut, seul reste le pouvoir de l’insolence, de la provocation joyeuse, dont le pic est atteint dans un monologue d’anthologie où Novarina cède à son goût de l’énumération compulsive en déroulant toutes les définitions de Dieu que l’histoire a produites. Un vibrant plaidoyer pour la liberté d’expression, qui prenait, après l’assassinat monstrueux de Samuel Paty, toute sa valeur. Intrinsèquement vivant, le théâtre nous réconcilie avec l’impérieuse dignité d’exister au cœur des ténèbres.
Le Jeu des ombres de Valère Novarina, mise en scène Jean Bellorini, direction musicale Sébastien Trouvé en collaboration avec Jérémie Poirier-Quinot, avec François Deblock, Marc Plas, Karyll Elgrichi, Hélène Pataro. En raison du confinement, les représentations de novembre sont annulées. Le maintien de la tournée prévue jusqu’en mai 2021 reste à confirmer
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