À la fondation Louis Vuitton, une exposition retrace la courte mais fructueuse collaboration entre deux des artistes les plus importants du siècle dernier.
À nous, bercé·es d’une histoire sanctifiée, le rapprochement semble aller de soi. Andy Warhol (1928-1987) et Jean-Michel Basquiat (1960-1988). Deux icônes du downtown new-yorkais des années 1980. Deux géants de l’art. Deux pères fondateurs, pareillement visionnaires, rompant avec les cadres trop étriqués de l’histoire académique, perpétuée sans qu’elle soit interrogée : la culture savante aiguillonnée par les motifs de la culture populaire, les carcans raciaux torpillés par un panthéon de héros·oïnes afro-américain·es.
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En 2018, la Fondation Louis Vuitton célébrait déjà le second, accentuant encore l’engouement qu’il suscite. Ce printemps, une nouvelle page s’écrit. Soit l’exploration pléthorique d’un dialogue “à quatre mains”, précédé d’une recherche au long cours de la part des commissaires – Dieter Buchhart et Anna Karina Hofbauer, en association avec Olivier Michelon. Car, précisément, l’épisode demeure encore moins connu.
160 toiles réalisées en commun
Certes, il aura été maintes fois fantasmé, fabulé même, à l’instar du biopic Basquiat (1996), réalisé par un autre artiste, le néo-expressionniste Julian Schnabel : une première rencontre y figure, avec David Bowie dans le rôle de Warhol. Mais à la Fondation Louis Vuitton, c’est l’histoire de l’art qui s’exprime, au fil d’un parcours de quelque trois cents œuvres et documents, dont quatre-vingts toiles signées conjointement.
Le 4 octobre 1982, Bruno Bischofberger, galeriste de Warhol, présente les deux artistes l’un à l’autre. D’ordinaire, le portraitiste des Marilyn, Elvis ou Jacqueline Kennedy conclut ses entrevues par un tableau. Seulement, cette fois, il sera pris à son propre jeu : deux heures plus tard, c’est Basquiat qui lui présente une toile. Son titre ? Dos Cabezas, deux têtes. Gémellité antithétique. Puissance dialectique.
“Je pense que les peintures que nous faisons ensemble sont meilleures quand on ne sait pas qui a fait quoi” Andy Warhol
En 1984 et 1985, ils réalisent 160 toiles ensemble. Le rythme est frénétique, souvent quotidien. Les intéressés ont décrit le processus comme suit. Basquiat : “Andy commençait la plupart des peintures. Il mettait quelque chose de très reconnaissable, le logo d’une marque, et d’une certaine façon je le défigurais.” Warhol : “Je dessine d’abord, et ensuite je peins comme Jean-Michel. Je pense que les peintures que nous faisons ensemble sont meilleures quand on ne sait pas qui a fait quoi.”
Le lien, tant artistique qu’affectif, pour avoir été vécu trop intensément, finira par se déliter. Puis, en 1987, Warhol meurt brusquement. Un an et demi plus tard, “le petit prince” lui succède. Reste cette ultime démonstration stellaire – comme issue, dira leur ami commun Keith Haring, d’un “troisième esprit”.
Basquiat x Warhol, à quatre mains à la Fondation Louis Vuitton, Paris, du 5 avril au 28 août.
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