Pour témoigner de la vie légendaire de l’actrice, ce monologue à la langue ciselée s’affranchit de la simple évocation biographique en convoquant la rigueur de la conférence et l’imaginaire des contes.
En guise de lever de rideau à ce spectacle dédié à la figure d’Elizabeth Taylor, c’est au son de Divine, le hit de Sébastien Tellier, que Maëlle Dequiedt intronise en icône de la culture pop son monstre sacré. Raccourci saisissant des moments forts de la carrière de la star, la projection sur un rideau de pampilles donne un côté fantomatique à une compilation d’extraits de ses films.
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Mauve velouté
Le cadavre exquis de leur évocation résume à lui seul la légende hollywoodienne en passant de La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks (1958) à Soudain l’été dernier (1959) et Cléopâtre (1963) de Joseph L. Mankiewicz, pour finir par Reflets dans un œil d’or de John Huston (1967).
L’incomparable couleur des yeux de l’actrice suffit à justifier le titre de la pièce de Frédéric Vossier. L’inscription Pupilla placée en haut de l’affiche renvoie au latin pour désigner les prunelles et nous rappeler que celles d’Elizabeth Taylor avaient la particularité d’être d’un “mauve velouté” qui leur donnait la profondeur de l’améthyste.
Nous lançant sur la fausse piste d’une sage conférence, le décor se complète d’une série de chaises vides alignées sur une petite scène aux allures de podium. L’architecture de ce monologue repose sur un empilement de phrases ultracourtes pareilles à la rigueur au scalpel du constat clinique d’une autopsie.
Laure Werckmann s’en empare avec un empressement gourmand qui donne le vertige pour dire le festin de chair et de sensualité caché derrière cette langue minimaliste. Dévalant l’escalier glorieux des repères biographiques, elle est le guide jamais à court de souffle qui nous fait partager les épisodes triés sur le volet d’une vie s’accordant aux obsessions d’un auteur assumant l’impudeur des fans invétérés.
Ainsi apprend-on qu’Elizabeth Taylor a commencé par dévoiler sa poitrine à la télévision avant de devenir danseuse aux seins nus dans une revue du Sunset Boulevard. Que c’est sur une chaise 3107 d’Arne Jacobsen qu’elle pose la première fois en tenue d’Eve. Que celle qui s’engagea sans compter pour la recherche contre le sida fut mariée huit fois, dont deux avec Richard Burton. En fond d’écran, on retrouve les plans en noir et blanc du couple au sommet de son art filmé par Mike Nichols en 1966 dans Qui a peur de Virginia Woolf ?
L’inconscient en partage
Drôle de Chaperon rouge parti à la recherche du grand méchant loup, Laure Werckmann nous entraîne dans une forêt mémorielle où tout est passion. L’évocation de la femme libre qu’était Liz devient la clef d’un inconscient offert en partage. S’y perdre conduit vers l’absolu déboussolant d’une fiction qui comble de bonheur.
Pupilla de Frédéric Vossier, mise en scène Maëlle Dequiedt, avec Laure Werckmann. Le 29 mars, Théâtre de Chelles. Du 9 au 11 mai, TAPS, Strasbourg
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