Comme chaque année, les œuvres des quatre prétendants au prix Marcel-Duchamp sont exposées à Beaubourg. Une vue sur l’art contemporain avec Clément Cogitore, Mohamed Bourouissa, Marie Voignier et Thu-Van Tran.
Le prix Marcel Duchamp est l’occasion de voir de l’art contemporain exposé au musée national d’Art moderne. Fondée en 2000 par les collectionneurs réunis au sein de l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (Adiaf), la galerie 4 du Centre Pompidou accueille pendant trois mois une exposition collective des artistes sélectionnés. Soit un tour d’horizon, certes restreint, mais où se laisse déchiffrer une tranche sur le vif de la scène contemporaine française, ses tendances et ses solipsismes.
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Cette année, l’annonce en février des quatre nominés révélait la place prépondérante donnée à la vidéo. Clément Cogitore, Mohamed Bourouissa, Marie Voignier et Thu-Van Tran travaillent tous le film et la vidéo, du long métrage à l’installation vidéo, de la captation au smartphone au documentaire anthropologique.
Pendant ce temps en Angleterre, The Turner Prize
Au même moment se tient en Angleterre l’exposition d’un autre prix d’importance, The Turner Prize. Depuis la fin septembre, la Tate à Londres expose les œuvres des quatre nommés – Forensic Architecture, Naeem Mohaiemen, Charlotte Prodger et Luke Willis Thompson –, s’exprimant eux-aussi par le médium de l’image en mouvement. Si l’exposition à Londres ne présente que des vidéos projetées sur écran, les propositions à Paris habitent l’espace selon différentes modalités.
A Beaubourg, Clément Cogitore (lauréat du prix Marcel Duchamp 2018) présente une vidéo sur écran LED montée à partir d’extraits de banques de vidéos. Depuis le début des années 2000, l’artiste et cinéaste traque la persistance de superstitions ancestrales au cœur de la rationalité scientifique. Ici, sa pièce amorce un tournant dans son travail, qui surprend d’autant plus qu’elle prend le train du post-internet avec une décennie de retard.
Thu-Van Tran et Marie Voignier présentent toutes deux des réflexions autour des angles morts de la visibilité. Historique pour la première, évoquant les années d’errance qui succédèrent à la colonisation au Vietnam par une superposition de formes exsangues (sculpture, dessin, fresque, vidéo) dont aucune ne se suffit à elle-même. Géographique pour la seconde, partie au Cameroun filmer les stigmates de la colonisation chez les habitants d’un village pourtant vierge de toute trace d’urbanisation.
Dans un hôpital psychiatrique de Blida (Algérie)
L’installation de Mohamed Bourouissa est la plus convaincante. La vidéo centrale le montre (hors champ, sa voix reliant les plans) en plein travail avec l’un des patients de l’hôpital psychiatrique de Blida en Algérie où exerça Frantz Fanon, l’auteur des Damnés de la terre dont les écrits sur le corps colonial s’enracinent dans sa pratique de psychiatre.
L’œuvre est projetée sur un écran parallélépipédique mobile, tandis qu’on la visionne assis tout autour sur une structure en bois blanc. Chez Bourouissa, la fonction de la vidéo n’est pas de témoigner ni de réparer, mais bel et bien de construire.
Comme lors de son exposition Urban Riders au musée d’Art moderne de la Ville de Paris au printemps dernier, la production d’images est avant tout un prétexte pour provoquer des rencontres entre des êtres, leurs histoires et leurs communautés. Ce que fabrique le dispositif, c’est également un temps étiré, instaurant au cœur de l’institution un forum où l’on s’attarde ensemble.
Exposition du prix Marcel Duchamp Jusqu’au 31 décembre, Centre Pompidou, Paris IVe
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