Alors que la légitimité des prix d’art contemporain vacille, l’exposition des quatre nommés du prix Marcel Duchamp – Wilfried Mille & Ida Tursic, Marguerite Humeau, Katinka Bock et Eric Baudelaire – repense sa mise en espace et met l’accent sur l’œuvre individuelle.
Quatre, c’est trop peu pour identifier une tendance. Souvent, l’exposition des nommés du prix Marcel Duchamp a pourtant été lue dans ce sens. Depuis 2000, le prix est décerné par un jury de collectionneurs de l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) et, depuis 2016, le Centre Pompidou à Paris expose les propositions réalisées par les quatre artistes nommés.
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A part d’être basé en France et de jouir déjà d’une certaine reconnaissance à l’étranger, rien a priori ne les rassemble. La reconnaissance est capricieuse, les critères de sélection aléatoires. Alors que les prix voient de manière croissante leur légitimité publiquement remise en cause, l’exposition abandonne, comme par anticipation, une mise en espace qui auparavant venait relier les œuvres entre elles.
Quatre expositions dans l’exposition
Plutôt que d’induire un constat d’époque à partir d’œuvres présentées comme un ensemble cohérent, l’accrochage met cette année l’accent sur la singularité de chaque artiste. Eric Baudelaire, Katinka Bocks, Marguerite Humeau et le duo Wilfried Mille & Ida Tursic bénéficient chacun d’une exposition dans l’exposition, au sein d’espaces clairement délimités.
Le parcours s’ouvre avec les huiles sur bois du duo Wilfried Mille & Ida Tursic. Sur châssis découpés, les références à l’histoire de la peinture (Mark Rothko, Kasimir Malevitch) s’assemblent à des images trouvées sur internet : des animaux (bichons, canards) et des pin-up (Betty Page et cowboy dans le plus simple appareil).
Dans la salle attenante, sous néons et moquette grise, Marguerite Humeau présente trois sculptures de mammifères marins tels qu’ils pourraient exister si la destruction environnementale ramenait la planète à la préhistoire.
Simultanément exposée à Lafayette Anticipations, Katinka Bock laisse ici les propriétés organiques des matériaux (condensation, évaporation, pourriture) déterminer la forme de ses installations.
Il faut enfin franchir la porte de service pour parvenir à la projection d’Un film dramatique d’Eric Baudelaire – le lauréat de l’édition. Soit un long métrage de près de deux heures tourné dans le cadre du dispositif 1% artistique du nouveau collège Dora Maar construit à Saint-Denis.
Aux élèves d’une classe de ce collège, il demande d’imaginer avec lui le film qu’ils aimeraient voir tourné sur leur vie. Un quartier et une tranche d’âge s’y inventent, substituant ses propres procédures esthétiques et fictionnelles aux représentations, récits et désignations dominants.
Considération au sein de l’espace-temps
Pas plus qu’un autre prix, le prix Marcel Duchamp n’a valeur d’oracle ou de boussole, mais ces artistes, déjà reconnus, exposés, vus et suivis, ont ici de nouvelles choses à dire et à montrer.
Dans cette exposition, ils trouvent la place et les moyens de le faire. Parce que la mise en espace n’induit pas la recherche de liens entre les quatre artistes, nous trouvons à notre tour l’attention de les considérer au sein de l’espace-temps subjectif qu’ils inventent par leur œuvre et non de celui (contemporain, français) qui les enveloppe et pourtant ne les détermine pas forcément.
Prix Marcel Duchamp, les nommés 2019 Jusqu’au 6 janvier, Centre Pompidou, Paris
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