Lauréat du prix Marcel-Duchamp 2014, Julien Prévieux imagine notre avenir corporel en inventant les gestes conçus pour les machines du futur.
Voilà plus de huit ans que l’artiste Julien Prévieux, lauréat en octobre du prix Marcel-Duchamp, constitue son “archive des gestes à venir”. Soit un ensemble de mouvements du quotidien indexés sur les nouvelles technologies. Parmi eux, le “glisser pour déverrouiller” que chaque détenteur de smartphone tactile accomplit plusieurs fois par jour. Une opération brevetée par Apple qui a donné lieu à un procès contre Samsung, tout comme ce geste synchronisé de deux doigts pour agrandir une image. Autre mouvement : ce clignement d’œil censé envoyer des informations à vos Google Glass.
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“C’était la première étape du projet, la récolte et la réalisation d’un film d’animation, What Shall We Do Next? (séquence #1), qui montrait cette collection en devenir”, explique Julien Prévieux qui s’est pour l’occasion appuyé sur le site de l’agence américaine de la propriété intellectuelle. Si certains sont d’ores et déjà opérants, la plupart sont déposés avant même qu’ils ne recouvrent une véritable fonction, dessinant déjà ce que sera “notre avenir corporel”.
“Julien Prévieux se concentre sur ces gestes orphelins, en attente de corps, ou conçus pour des machines qu’il reste à inventer”, expliquait à ce sujet fin octobre le théoricien de l’art Elie During devant le jury du prix Marcel-Duchamp. “Une fois la forme dynamique extraite du script gestuel, ajoutait-il, il restait à en faire quelque chose, il restait à performer cette absence de fonction en jouant les gestes à vide, mais avec toute la rigueur que peut y mettre un danseur.”
Des gestes ready-made
C’est ce qu’a fait Julien Prévieux, qui présentait lors de la dernière Fiac un court film, What Shall We Do Next? (séquence #2), et une performance pour cinq danseurs professionnels qui enchaînaient ces figures minimalistes – mais reconnaissables pour la plupart tant elles évoquent notre rapport quotidien aux plugs technologiques. “La restitution de ces gestes ready-made s’inscrit dans une histoire de la danse, celle qui consiste à travailler avec des gestes trouvés, commente l’artiste, je pense par exemple au travail de la chorégraphe américaine Yvonne Rainer dont on peut voir actuellement à la Ferme du Buisson et au Jeu de Paume quelques-unes de ses pièces filmées.”
Pour Elie During en revanche,“ces corps évoquent aussi, bien sûr, ceux qui, livrés au traumatisme de gestes mécaniques et répétés, portent déjà les symptômes d’un mal du siècle : ataxie, dystonie et autres tics évoqués à la fin du film… les gestes à venir nous réservent probablement quelques désagréments. Observons nos gestes quotidiens : nous sommes peut-être déjà ces zombies”.
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