Performa a 10 ans. L’édition anniversaire de la biennale de performance new-yorkaise marque aussi le début d’une collaboration avec Lafayette Anticipation, centre de production pluridisciplinaire installé à Paris. François Quintin, son directeur, nous livre ses trois temps forts.
Performa, la biennale new-yorkaise dédiée à la performance et aux arts de la scène, a dix ans. C’est à la fois beaucoup et peu. Beaucoup, au regard de son rôle prescripteur. Peu, car ce rendez-vous illustre aussi combien l’histoire de la performance est récente. Réduite à son plus petit dénominateur, la performance se caractérise par une action effectuée en présence d’un public – un geste immémorial, donc. Mais il faudra pourtant attendre les années 1960, les expérimentations sonores de John Cage et celles, dansées, de Merce Cunningham, pour que la performance s’impose comme genre artistique à part entière. Si Performa permet de prendre le pouls d’une histoire en train de s’écrire, sa fondatrice, RoseLee Goldberg, curatrice et historienne de l’art, a également contribué à en préciser les contours théoriques, en publiant notamment en 1979 le livre événement Performance Art.
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Performa et la Lafayette Anticipation : affinités électives, collaboration effective
En sus du volet éducatif et de la collaboration avec le paysage institutionnel, l’une des caractéristiques de Performa est de se concentrer sur la production de nouvelles pièces. Or ces deux aspects, production et collaboration, sont aussi les ambitions affichées de la toute jeune Lafayette Anticipation, Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, un site d’expérimentation, de recherche et de production fondé par Guillaume Houzé en 2013, installé dans un espace temporaire en forme de capsule spatiale en plein Marais, en attendant de se doter d’un lieu permanent dès 2017.
Pour la première fois cette année, les deux institutions ont donc décidé d’entamer une collaboration, déjà amorcée par d’anciennes affinités électives. Et plus précisément, un soutien commun apporté en amont à certains artistes, dont Ulla von Brandenburg, Simon Fujiwara, Alexandre Singh ou encore Cally Spooner, présentée lors de Performa 13 puis accueillie en résidence à Paris. « Nous avons tenté de concrétiser cet esprit commun en essayant de penser à des projets spécifiques », explique François Quintin, directeur de Lafayette Anticipation et en charge de la programmation aux côtés de Charles Aubin, commissaire associé aux deux instituions.
Lors de Performa 15, l’accompagnement de Lafayette Anticipation s’est concrétisé par des financements, mais aussi par la réalisation d’un catalogue, comme ce fut le cas pour le spectacle d’ Erika Vogt, Artist Theater Program. Parmi les 27 artistes présents lors Performa 15, cinq nouvelles créations ont été soutenues par la Lafayette : celles d’Ulla von Brandenburg, Pauline Curnier Jardin, Volmir Cordeiro, Christodoulos Panayiotou et Erika Vogt. Focus sur trois d’entres elles avec François Quintin.
« Ines » de Volmir Cordeiro
« Volmir Cordeiro est un jeune danseur brésilien basé à Paris, né en 1987. Lafayette Anticipation l’a accueilli dans le cadre d’Emanticipation, sa première pièce montée en collaboration avec Emmanuelle Huynh. A Performa, sa pièce s’intitule Ines, montrée au Danspace Project, dans l’église historique St Marks Church in-the-bowery, où dansa Isadora Duncan ou encore Martha Graham au début du siècle dernier », précise François Quitin.
Explorant la relation entre performeur et spectateur à travers le prisme de la téléréalité, dans une réflexion autour de la présence-absence propres icônes de l’âge des médias, Volmir Cordeiro mobilise tout un répertoire de gestes issu de ce qu’on a appelé la « non-danse ». Une approche déconstructionniste de la représentation chorégraphique qui voit le jour dans les années 1990, où la codification des mouvement est évacuée, au profit de l’intégration du texte, du théâtre ou encore de la vidéo, à laquelle il s’est formé auprès de la brésilienne Lia Rodrigues.
« Sink Down, Mountain, Rise Up Valley » d’Ulla von Brandenburg
La pièce de théâtre a été présentée à Bruxelles, le film tourné à Riga, les tentures colorées formant un labyrinthe installées à New York. Et pourtant, le dernier projet de l’artiste allemande Ulla von Brandenburg prend racine dans une micro-société locale, qui s’attira parmi les locaux le sobriquet des « fous de Ménilmontant ». A savoir le cercle des Saint-Simoniens du parc de Menilmontant à Paris, où se rassemblaient autrefois les adeptes de Saint Simon, un penseur que l’on considère comme ayant inspiré les premières formes de socialisme.
Cette communauté, à mi-chemin entre proto-marxisme et religion nouvelle, ses rites et pratiques, voilà le point de départ de Sink Down, Mountain, Rise Up Valley, le nouveau projet en plusieurs volets de l’artiste. « Le cycle avait d’abord été initié par Lafayette Anticipation en partenariat avec l’association de production dirigée par Jérôme Poggi, dans le cadre d’un projet des Nouveaux Commanditaires de la Fondation de France », précise François Quintin. « L’installation, dernier volet en date du projet, est présenté de manière permanente dans le hub de la Biennale durant toute sa durée. »
« Resurrection Plot » de Pauline Curnier Jardin
Résolument synchrétique, les narrations théâtrales de Pauline Curnier Jardin, née en 1980 et actuellement en résidence à la Rijksakademie à Amsterdam, font feu de tous bois, mêlant de manière inextricable les sources et les médiums. Ainsi sa nouvelle création « Resurrection Plot » fait-elle le grand écart entre la sorcellerie, la danse « voguing » et le règne animal. Son but ? Payer un tribut à certains des grands « misfits » de la Renaissance : Rabelais, Arcimboldo ou encore le céramiste Bernard Palissy, convoqués sur scène en manière de « Gesamtkunstwerk » carnavalesque et enlevé.
Ingrid Luquet-Gad
Performa 15, du 1er au 22 novembre à New York.
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