Malgré la finesse de sa mise en scène, l’adaptation de Ton père, le roman autobiographique de Christophe Honoré, par Thomas Quillardet manque d’intensité dramatique.
La lumière se fait sur un comédien d’une quarantaine d’années, assis au premier rang parmi les spectateur·trices. Son air est grave, son besoin de parler, manifeste. On est dimanche matin, explique-t-il, sa fille vient de lui apporter un bout de papier punaisé sur la porte de leur appartement ; un message sibyllin, écrit à la hâte : “Guerre et paix, contrepèterie douteuse.” C’est tout. Il cherche… Guerre et paix… Retourne les syllabes… Et finit par entendre : “père et gay”.
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Double identité
La contrepèterie est non seulement douteuse, elle est perfide. Le personnage s’appelle Christophe. Il est père d’une enfant d’une dizaine d’années, il est gay, aussi, effectivement, et n’a pas la moindre idée de qui pourrait bien lui vouloir du mal. Le poison fait effet. Le voilà tendu, apeuré, paranoïaque. Certain·es auront reconnu le début du roman (quasi) autobiographique de Christophe Honoré, Ton père.
Assis dans les gradins, c’est Thomas Blanchard qui incarne le double de l’artiste. Epaulé par quatre jeunes acteur·trices, il va porter cette histoire, à mi-chemin entre l’enquête policière et le récit initiatique, en rejouant les scènes clés de la constitution de cette double identité problématique : de sa découverte du désir à ses premiers chocs culturels, de l’homophobie de son père à la crainte du sida.
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Mais un bon roman ne fait pas forcément un bon spectacle, surtout quand celui-ci est traversé par la question du doute ; sujet passionnant, certes, mais assez peu théâtral. Thomas Quillardet a pourtant trouvé une solution de mise en scène intéressante : envisager les planches comme l’espace mental de son personnage. La scénographie quadrifrontale (le plateau est encadré par des gradins) et feutrée (une épaisse moquette recouvre la scène et les bancs du public) donne l’impression d’un lieu clos, à l’abri de la violence extérieure, où les réflexions de Christophe peuvent se déployer.
Les autres acteur·trices apparaissent comme des pantins qu’il convoque à sa guise pour incarner différents rôles et peupler ses souvenirs. Et enfin, même s’il n’hésite pas à s’approcher régulièrement des spectateur·trices et à les regarder dans les yeux, Thomas Blanchard est dirigé avec une très grande sobriété ; il est avant tout une voix, toujours juste, qui invite à l’introspection.
Résultat : l’intelligence est au rendez-vous, la délicatesse de même, les comédien·nes sont tous·tes irréprochables, mais l’ensemble manque d’intensité dramatique et ne parvient pas toujours à provoquer l’empathie. Thomas Quillardet a rendu justice à l’esprit du livre, mais pas tout à fait à son potentiel théâtral.
Ton père de Christophe Honoré, mise en scène Thomas Quillardet, avec Thomas Blanchard, Claire Catherine, Morgane El Ayoubi, Cyril Metzger et Etienne Toqué.
En raison du confinement, les représentation de novembre sont annulées. Le maintien des dates suivantes reste à confirmer : le 4 décembre, Théâtre de Chelles. Le 8 décembre, Théâtre de Colombes. En tournée jusqu’au 29 janvier 2021
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