[Série d’été: les collectionneurs] A Venise, le guitariste des Clash a transformé un bureau de l’assistance publique catholique en un capharnaüm de la culture populaire.
[Mick Jones, Willem de Rooij, agnès b. : tout l’été, nous vous présentons une série de papiers exclusifs sur les collectionneurs de renom qui exposent en ce moment, partout dans le monde]
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Dans son formidable essai sur la « rétromania » de la pop culture actuelle, l’éminent critique rock anglais Simon Reynolds racontait la visite de plusieurs temples et musées du Rock : le British Music Experience à Londres, le Rock and Roll Hall of Fame de Cleveland aux Etats-Unis, mais aussi la folle pop collection privée de l’ex-musicien des Clash, Mick Jones, audacieusement nommée The Rock’n Roll Public Library.
Car celui qui écrivit avec Joe Strummer plusieurs tubes des Clash, dont le fameux London Calling, ne cesse depuis quarante ans d’arpenter les marchés aux puces en quête de fanzines, de comics, de figurines (des Clash mais pas seulement), de néons, de disques, d’affiches et autres badges. Plutôt qu’une visite privée, on a pu voir à Venise un aperçu de cette collectionnite aiguë : en marge de la Biennale d’art contemporain, c’est tout près de l’Hôtel Metropole, au bord de la lagune, que le guitariste des Clash a transformé un bureau de l’assistance publique catholique en un capharnaüm de la culture populaire.
Du sol au plafond, c’est un déluge d’objets. Pour Mick Jones, chaque objet agit sur le spectateur comme un « Je me souviens » (des Clash bien sûr, mais aussi de Tarzan et de mes Dr Martens noires). « Mais il sait tout ce qu’il a », ajuste sa fille Lauren Jones qui fait voyager et exposer de Londres à Venise cette Rock’n Roll Public Library, emblématique de la puissante nostalgie qui affecte la pop culture.
Huit questions à Mick Jones
1. Quand et comment est née la collection ?
La collection a commencé quand j’étais gamin, avec des comics, sans que je n’en ai réellement conscience. Ensuite il y a eu des autographes de footballers après la finale de la Coupe du Monde en 1966. Puis des disques. Des groupes nationaux, de l’import, des vieilles cartouches 8 pistes. Puis des vidéos. Les premières VHS, d’énormes cassettes.
Des livres, toujours. Des magazines, toujours.
Des livres d’histoire, des babioles et des reliques. Des souvenirs.
Du matériel musical. Des consoles audio.
Des vêtements. Des télés, des appareils photo.
2. Comment stockez-vous ? Dans quel coin ?
A North Acton (banlieue de Londres occupée principalement par des zones industrielles et commerciales, ndlr). J’ai eu la chance d’aller en Amérique du Nord à la fin des années 70, début des années 80 et j’ai pu ramasser un bon nombre de trucs mis au rebut. A l’époque, les gens n’aimaient pas acheter d’occasion on ne voulait que des choses neuves. Du coup on nous vendait encore plus de merdes. Aujourd’hui les boxes de stockage sont hors de prix
Quand on peut se le permettre, on met tous nos trucs dans l’un d’entre eux et on y va le week-end plutôt que d’aller voir nos familles. Si on ne peut pas se le permettre : on recycle ! C’est un triste de constat dans la société actuelle, quand on voit qu’il y a un cruel manque de logements sociaux alors que les garde-meubles sont parmi les affaires les plus florissantes au Royaume-Uni. C’est une façon de voir les choses aussi plate que l’horizon.
3. Combien d’objets y a-t-il au total ? Y a-t-il un inventaire ?
On peut parler d’un ensemble plus que d’un nombre d’objets. J’ai abandonné l’idée de compter après que quelqu’un a hasardé un chiffre et je me suis dis que c’était une estimation un peu faible. L’inventaire ou ‘Menticulus’, depuis des années qu’il est en cours d’élaboration, a encore besoin d’être actualisé.
4. Comment la collectione est-elle organisée ?
Organisation est un grand mot mais la collection est constamment réévaluée et on envisage de tenir un carnet de notes.
5. Où vivez-vous actuellement, et depuis quand ?
Dans le West London depuis 1968.
6. Quelle école d’art avez-vous fait ? Y a-t-il un lien entre cette formation artistique et votre collection ?
Hammersmith College of Art and Building, qui a fusionné avec Chelsea au cours des années que j’ai passées là-bas. J’avais hâte de rejoindre les rangs des glandeurs et des tire-au-flanc parce que c’était le chemin habituel pour entrer dans un groupe. Certains d’entre nous touchaient des bourses d’Etat, mais pas le chômage.
7. Quels types d’objet ne vous intéressent pas du tout ?
Tout ce qui est de nature à rabaisser les gens. Les idées sont libres.
8. Où avez-vous trouvé ces objets ?
Dans les rues. Dans les bourses de disques et cassettes. En chinant pour les comics. Sur un stand du Portobello Market le dimanche (un marché connu pour ses stands d’antiquaires, ndlr)
Propos recueillis par Jean-Max Colard. Traduction Emilie Mouquet.
Jusqu’au 22 novembre à l’Istituto Santa Maria Della Pieta, Sestiere Castello, 3701 (Entrée par la Calle Della Pieta), Venise.
Simon Reynolds, Rétromania, Le Mot et le reste, 2011.
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