Aux Arènes de Nîmes le Tanztheater Wuppertal donnait deux ballets de Pina Bausch : “Café Müller” et “Le Sacre”. Récit du songe d’une nuit de… printemps.
Dans un clair-obscur singulier, une frêle silhouette manteau long sur robe claire arpente le plateau surélevé disposé dans les Arènes de Nîmes. Décor de chaises et tables bientôt renversées, cette ombre délicate c’est un peu le souvenir de Pina Bausch elle-même.
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Café Müller qui ouvre ce programme à l’initiative du Théâtre de Nîmes est une pièce historique (1978) autant qu’une esquisse intime de la chorégraphe. Princesses aveugles, les danseuses butent sur des murs de verre ou des corps. Dans une scène troublante un duo collé-serré se voit manipulé par un homme, bras déposées sur les hanches, bouche contre bouche. Le tout répété sans fin. Café Müller, pièce de chambre pour 6 danseurs est le ballet des solitudes accompagnées – ici la musique de Purcell et des silences qui en disent long.
Un opéra des corps
Par une porte tournante les souvenirs s’échappent. Il n’y a que des bribes de mouvement à l’image de cette danse des mains magnifiée par Nazareth Panadero. Une partie du public – quelque 2 000 spectateurs – a sans doute été prise au dépourvu. Perdu dans ce cadre plus grand que nature Café Müller a néanmoins le pouvoir des grandes œuvres : il vous marque au cœur bien longtemps après la représentation.
Le long entracte qui suivit avait des allures de performance avec son ballet des balais – les techniciens qui installent une toile et répandent la terre fraîche – ou l’arrivée triomphale des musiciens sous la direction de François-Xavier Roth. Paradoxalement ce Sacre du printemps tant attendu resserre le cadre de scène. Dès les premières notes la tension saisit l’assistance. Dans les coulisses à vue la troupe de Wuppertal prend ses marques. Le rituel peut commencer.
Chorégraphie de toutes les violences elle est ici interprétée avec une énergie intacte assez loin de la beauté formelle de la version d’une compagnie comme le Ballet de l’Opéra de Paris – il est à son répertoire depuis 1997, sera à celui de l’English National Ballet la saison prochaine. C’est surtout les femmes du Tanztheater qui portent haut les couleurs de ce Sacre.
Sacrifice, séduction, abandon, les nuances sont exposées sous nos yeux renforcées par la qualité de l’Orchestre Les Siècles donnant la partition d’Igor Stravinsky avec un supplément d’âme. Ce Sacre du printemps réunit deux générations de danseurs – certains n’ont pas connu Pina – dans le sillage du géant Andrey Berezin. Seulement troublé par le tonnerre d’un avion au lointain et quelques éclairs dans le ciel cet opéra des corps n’a rien perdu de sa force de séduction.
En sortant des Arènes on tomba nez à nez sur Dominique Mercy répétiteur d’exception de la compagnie : sur son visage la fierté le disputait à la joie. Pina Bausch une reine pour l’arène.
Café Müller/Le Sacre du printemps Chorégraphies Pina Bausch, Arènes de Nîmes jusqu’au 9 juin www.theatredenimes.com (04 66 36 65 00)
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