L’Anglais Phillip King, illustre inconnu, revient depuis les années 60 donner une leçon de maintien à la sculpture contemporaine.
Dans la tranche d’âge haute des artistes contemporains, celle des seniors, voici le dernier re-né : Phillip King, 80 ans l’an prochain, redécouvert cette année au Consortium de Dijon, centre d’art prospectif à rebours en quelque sorte – puisque c’est là également que Yayoi Kusama (plus de 70 ans à l’époque, en 2000) avait relancé ses sculptures jaunes à gros pois noirs.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ailleurs aussi, la Carte vermeil est plus en vue que jamais. L’agenda le démontre : Gustav Metzger (87 ans) est exposé au Mac de Lyon, Julio Le Parc (85 ans) au Palais de Tokyo. Mais le grand âge n’est pas tout : il leur aura fallu à tous vivre une longue traversée du désert, subir dignement le désintérêt du milieu et lui opposer en retour une royale indifférence en continuant à travailler, jusqu’à ce que certains commissaires s’aperçoivent qu’on a oublié du monde en cours de route, que l’histoire de l’art a laissé de bons artistes sur le bas-côté. On peut s’inquiéter de ces délais, se réjouir de ces rectificatifs. Ou simplement retenir la leçon : tout vient à point, à qui sait attendre.
Phillip King vient à point en effet. Pour nous apprendre quoi ? Que la sculpture est une fête à la gamme chromatique extravagante (rose, orange, vert pomme, lie de vin, orange, bleu roi, jaune moutarde…), mais bien moins que cette manière, farfelue, de se tenir droite tout en courbant l’échine. Car les sculptures de cet Anglais, assistant d’Henry Moore dans les années 60, savent prendre la tangente.
Jamais rectilignes, sans devant ni derrière, ni haut ni bas, composées de formes disparates – boudinées, coniques, allongées, étoilées, grillagées –, et d’autant de matériaux – trop divers pour être énumérés –, elles vrillent volontiers à leur base comme à leur sommet. A l’image de Genghis Khan (1963), un cône violacé qui se hérisse d’espèces de cornes ciselées en bas et en haut ou, au hasard, de The Archer (1994) qui tend un arc mais l’emmaillotte dans un carquois de céramique.
Tendue et flasque à la fois, cette sculpture joue des coudes pour trouver sa place dans l’espace, se hisse sur la pointe des pieds, circonscrit au sol son espace vital, s’élève en escalier avant de dégringoler de l’autre côté en cascade gélatineuse, bref, elle fait ce qu’elle veut, quand elle veut. Et ça, cette manière de valdinguer, d’être pop et géométrique, d’être aride et généreuse, sexy et solitaire, ce n’était sans doute pas recommandable du temps du minimalisme, ni du temps du conceptuel, ni du temps lourd où le matériau devait se plier au bon vouloir de l’artiste. Alors qu’est-ce qui rend cela recommandable aujourd’hui ? Peut-être cet impérieux sentiment qu’il faut enfin sortir la sculpture de ses gonds. Lui rendre sa prime jeunesse.
Judicaël Lavrador
Phillip King jusqu’au 16 juin au Consortium de Dijon, www.leconsortium.fr
{"type":"Banniere-Basse"}