Avec sa pièce Gaspar Western Friedrich, Philippe Quesne invite les acteurs des Kammerspiele de Munich à vivre une aventure théâtrale à la croisée des images du western et des paysages de la peinture romantique allemande du XIXe siècle.
Comment en êtes-vous arrivé à créer votre dernier spectacle avec les acteurs des Kammerspiele de Munich ?
Philippe Quesne – C’est le résultat d’un long compagnonnage avec Matthias Lilienthal qui vient de prendre la direction des Kammerspiele de Munich. Alors qu’il était le directeur du Hebbel-Theater de Berlin, Matthias Lilienthal a été un grand défenseur de la création européenne et il fut un soutien sans faille de mon travail depuis La Démangeaison des ailes, ma première pièce en 2003. Son aide nous a permis de nous faire connaître du public berlinois à travers des spectacles comme D’après nature, La Mélancolie des dragons et Swamp Club. Tout naturellement, ce lien de confiance se concrétise aujourd’hui et cette invitation fait de moi le premier metteur en scène français à réaliser une création aux Kammerspiele de Munich.
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Comment avez-vous procédé ?
C’est en rencontrant les acteurs et en travaillant avec eux que mes spectacles se construisent. J’ai besoin d’un long temps de répétition. Ne rien changer dans ma méthode de travail a été la seule condition que j’ai posée avant d’accepter cette offre. Etre un écrivain de plateau implique de faire un travail de mise en scène sur mesure à partir des improvisations et du matériau des textes proposés par les comédiens. Le fait de diriger les acteurs tout en restant toujours ouvert à leurs propositions pour suivre les pistes qu’ils me proposent reste toujours un délicat équilibre à mettre en place. il s’agit d’abord de se donner les moyens de se lancer dans une véritable aventure humaine pour que cela fonctionne.
Quel a été le point de départ de votre pièce Gaspar Western Friedrich?
En général, j’arrive avec un titre qui cerne un univers et il devient le moteur d’un imaginaire à partager avec les acteurs. Avec Gaspar Western Friedrich, j’ai procédé à un collage réunissant deux mondes. Comme ceux de la Comédie-Française en France, les acteurs des Kammerspiel sont rompus à l’exercice de l’alternance et je les vois comme des héros capables d’avoir en mémoire un nombre incroyable de textes du répertoire. C’est ce côté-là de leur métier qui m’a fait penser aux personnages des westerns, toujours prêts à se lancer au pied levé dans de folles aventures. Des paysages du western à ceux de la peinture romantique allemande du XIXe siècle, il n’y avait qu’un pas… Caspar David Friedrich est un peintre formidable qui est l’un des derniers à témoigner des grands espaces de la nature encore vierge à son époque. En réunissant trois acteurs d’expérience et un couple de jeunes espoirs, comme c’est souvent le cas dans le cinéma d’Hollywood, j’avais le groupe idéal pour tisser les fils de mon scénario munichois.
Que raconte votre pièce ?
Des acteurs fans de western se sentent enfermés dans leur théâtre tout autant que dans leur pratique. Ils ont la nostalgie de la liberté des grands espaces. D’une certaine façon, ils prennent leur destin en main. La pièce témoigne de leur révolte. Une sorte de douce folie qui passe par une occupation des lieux. Ils se donnent pour mission de transformer le plateau en un musée dédié à l’œuvre du peintre Gaspar David Friedrich. Il y a un côté utopique dans cette quête, j’aime cette idée qu’on puisse encore avoir des rêves et qu’on arrive à se réunir pour former un petit groupe autour d’un projet idéaliste.
Comment définiriez-vous les rires que votre spectacle provoque ?
Il n’y a jamais d’ironie dans mes spectacles. Si l’on exclut comme je le fais toujours la moquerie et l’autodérision, je pense que le rire des spectateurs est un témoignage d’une empathie sincère pour les acteurs. Le temps de la pièce nous ramène au temps réel et les émotions qu’elle procure sont liées à l’instant. Voir ces acteurs habillés en cow-boys inventer leur propre monde sous nos yeux renvoie forcément à l’innocence des jeux de l’enfance. Le rire naît peut-être là… comme un miroir réactivant des souvenirs vécus un jour par le public. C’est le but. Mais c’est aussi prétendre connaître le secret de l’alchimie qui se passe dans la tête d’un spectateur… Et ça, c’est impossible.
Caspar Western Friedrich, conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesnes avec Peter Brombacher, Johan Leysen, Stephan Merki, Julia Riedler, Franz Rogowski.
En allemand surtitré. Théâtre Nanterre-Amandiers du 15 au 19 février.
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