Metteur en scène en résistance contre l’establishment, François-Michel Pesenti signe avec brio « Purge », un manifeste sur l’amour aussi âpre que fulgurant.
Dans le paysage théâtral français, François-Michel Pesenti fait figure d’interdit des plateaux depuis le déconventionnement de sa compagnie en 2011. Cérémonial d’adieu aux acteurs de sa troupe, son précédent spectacle, A sec (2011) en rendait compte, en forme de baroud d’honneur, alors que le robinet des subventions venait de lui être coupé. Avec Purge, le voici qui renoue avec les sensations du plateau à travers une ultime réflexion sur le statut de metteur en scène et le rôle du théâtre en miroir de ses désirs contrariés.
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L’ancienne chapelle des Bernardines avec ses colonnades aux chapiteaux ouvragés est un cadre idéal pour ce festin de pierres. Presque invisible, le travail sur la vidéo de Rémy Lebreton superpose des trames pointillistes à l’architecture du lieu, se joue d’une succession de projections d’ombres et de lumières pour le déconstruire imperceptiblement dans la révélation d’un espace en vibration qui, en perdant sa matérialité, se trouve tout à coup gagné par la toute-puissance de la fiction.
Avec l’élégance d’un Don Juan contemporain osant une fois de plus défier la statue du Commandeur et investir sa demeure, François-Michel Pesenti se retrouve une nouvelle fois présent sur le plateau. Une porte restée ouverte à cour et une autre à jardin lui suffisent pour s’amuser de l’âpre rapport de force qui permet au metteur en scène de dicter sa loi aux acteurs. « Entre », « Sors », « Tombe », « Relève-toi », les ordres sont brefs et sans appel. La mécanique du jeu leur est inféodée sans faux-semblants tandis que les textes sont réduits à des fragments. Tels les éclats d’un miroir brisé, Shakespeare et Genet traduits en arabe côtoient Jean-Luc Godard, Suzanne Joubert et Maxime Reverchon, pour une quête du corps de l’autre toujours remise en question.
Un bras de fer amoureux
Dans une chorégraphie barbare rythmée par une boucle puisée au Piano and String Quartet, signé Morton Feldman (1985), l’union entre les êtres fait bientôt long feu. Tandis que le plateau se vide, que les portes sont refermées, le spectacle bascule dans une empoignade “à bouche que veux-tu”. Un bras de fer amoureux ne réunissant plus que le metteur en scène et un de ses comédiens qui, lui aussi, se refuse à jouer le rôle de la proie consentante pour incarner l’insaisissable support où pourrait se cristalliser le désir.
Avec cette fin digne d’une Solitude des champs de coton revisitée, le spectacle prend les allures d’une autofiction qui pointe le fer au cœur de la plaie du désamour. Alternant les tendres caresses et les coups de poing, Purge compile les bleus à l’âme et s’avère un choc émotionnel sans pareil… Un rendez-vous amoureux aussi intense que profondément cruel.
Purge de François-Michel Pesenti, avec Peggy Péneau, Frédéric Poinceau, Karine Porciero, Maxime Reverchon et Laurent de Richemond. Théâtre des Bernardines jusqu’au 25 janvier. Tél. 04 91 24 30 40 . www.theatre-bernardines.org
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