A la Fondation d’entreprise Ricard, le duo Pauline Curnier Jardin et Marie Losier compose un hymne carnavalesque, burlesque et camp qui interroge les dispositifs de monstration de l’image en mouvement.
On entre, dans l’exposition en duo de Pauline Curnier Jardin et Marie Losier comme dans un gosier-grotte tapissé de paillettes. Une “grotte profonde” autant qu’une gorge, ainsi qu’en faisait déjà la suggestion le titre d’une œuvre précédente de l’une des deux vidéastes, Pauline Curnier Jardin.
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Matière ensorcelante, burlesque et disco, chelou et freaky
En 2017, pour sa participation à l’exposition collective de la 57e Biennale de Venise, celle-ci présentait ainsi Grotta Profunda, film et dispositif immersif conçu autour de la vie de Bernadette Soubirous.
Une grotte donc, celle du théâtre et de ses coulisses, et une gorge, un long corridor métaphore de l’ingestion et de la digestion des images, et surtout, d’une jubilation gustative certaine, où l’appareillage du spectacle et les ressorts narratifs s’autonomisent.
Si l’on emprunte ce détour sémantique pour entrer dans la nouvelle proposition des deux artistes à la Fondation Ricard, plus sobrement intitulée Parties, sans éteindre la lumière, c’est qu’on ne saurait trop, justement, par où s’emparer de cette matière ensorcelante. Burlesque et disco, chelou et freaky.
Plongé dans le noir, l’espace reconstitue mille et un modes de visionnage de l’image en mouvement. Par un petit trou percé dans une boîte à hauteur de nombril. En vissant ses yeux dans ceux d’une boîte-poupée surmontée d’une perruque. Calé sur un banc à l’intérieur d’une tente.
Sur un écran plus classique, comme celui qui fait face à l’entrée, mais que l’on peut contourner pour se retrouver alors à regarder le même film de l’autre côté, cette fois-ci entouré d’une colonie de hiboux au sol. Et puis sur ce gâteau tartiné de crème vanille, désormais improvisé support de projection.
Deux sensibilités qui se recoupent et dans l’espace s’amplifient
Parties, sans éteindre la lumière regroupe deux artistes qui travaillent toutes deux la vidéo et le film. Pauline Curnier Jardin s’intéresse plus spécifiquement à la forme installée du film, mêlant vidéo, sculpture, performance et peinture, dans la tradition de l’expanded cinéma.
Vue à Venise il y a deux ans, et sélectionnée au 19e Prix Ricard la même année, l’artiste plante le décor avec ses films d’un mysticisme noir et cul pour dérouler des personnages, des héroïnes également, dont le répertoire de jeu s’abreuve davantage au théâtre (et au théâtre grec, pour les caractères archétypaux) qu’au cinéma en tant que tel.
https://www.youtube.com/watch?v=P0uxzIMX-ks
Marie Losier, elle, réalise des films, des longs métrages, souvent des portraits de musiciens : Genesis P-Orridge (The Ballad of Genesis and Lady Jaye, 2011), Alan Vega (Alan Vega, Just a Million Dreams, 2013) ou Felix Kubin (en cours).
Ces deux sensibilités se recoupent, et dans l’espace, s’amplifient. Certains éléments du parcours sont titrés et signés, d’autres ont été empruntés à différents théâtres (Nanterre-Amandiers ou Théâtre des Abbesses).
Ensemble, ces tricks et autres dieux mécaniques appellent à désapprendre l’éducation de la perception. A embrasser, pour reprendre les mots de Gene Youngblood, la condition d’une image “paléocybernétique” qu’il diagnostiquait déjà en 1970, alors que le mythe et la spiritualité font à nouveau leur grand retour depuis les maigrelettes images plates de la dématérialisation.
Parties, sans éteindre la lumière Jusqu’au 29 juin, Fondation d’entreprise Ricard, Paris VIIIe
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