Pour leur première saison culturelle, les Magasins Généraux de Pantin déroule un programme complet autour du football, entre exposition, cycle de projections vidéos et festival. « Par amour du jeu 1998 – 2018 », l’exposition, vient célébrer vingt ans d’une création inspirée par l’univers du ballon rond. Un sport mais bien plus : chaussez vos crampons !
Les Magasins Généraux, ancien bastion de l’activité industrielle pantinoise, ont été réhabilités en 2016 par l’agence de publicité BETC, en nouveau siège de l’agence mais aussi centre de création culturelle du Grand Paris. Conviant des artistes de tous bords et de toutes disciplines, ce nouveau centre accueille festivals, résidences, concerts ou encore projets d’édition.
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Profitant des vingt ans de la victoire des Bleus, les jeunes commissaires d’exposition Anna Labouze et Keimis Henni (nous les avions interviewés pour notre hors-série spécial foot) ont voulu interroger les liens existants entre création et foot, considéré comme « phénomène majeur de société« . Conçue autour des œuvres de 38 artistes internationaux et mêlant tous supports, l’exposition Par Amour du jeu 1998-2018 dresse un panorama très actuel des réflexions déployées par des artistes aussi fascinés que rendus sceptiques par le foot ; devenu vecteur de tous les enjeux et, jusque dimanche, de tous les regards.
Amour/désamour du jeu
Il est de loin le sport le plus fédérateur et le plus clivant. Le football est une institution, une religion, un objet sociétal à lui seul. Nombre d’artistes s’en sont emparé et l’ont scruté sous autant de facettes que n’en compte le ballon, a fortiori de façon de plus en plus prégnante à compter de 1998. L’exposition réunit, dans le cadre sobre et brut des Magasins Généraux, un panel d’œuvres qui dissèquent les phénomènes sociétaux engendrés par le football, depuis la fascination de la performance sportive (Hand of God, 2017 de Hank Willis Thomas) jusqu’aux dérives de l’hooliganisme ou de la starification des joueurs (David and Victoria, Manchester, 1998 de Juergen Teller). Construit comme autant de passes d’un joueur à l’autre, le parcours de l’exposition engendre un échange de points de vue – tantôt désopilants, accusateurs ou festifs – entre artistes très confirmés (par exemple Neïl Beloufa ou Pierre et Gilles), talents émergents ou résidents des Magasins Généraux (Ben Elliot et Aurore Le Duc).
A l’image des passions que déchaîne le sport, l’exposition esquisse le portrait d’une création clivée par un objet qui la fascine, la déroute ou l’écœure. Amour du jeu, désamour du sport : les dérives de l’institution footballistique sont pour beaucoup pointées du doigt, dans une virulence formelle proportionnelle à l’objet de la dénonciation. Ainsi, l’autel de Romain Vicari (Rumo ao Hexa !, 2018) regorge de couleurs criardes, suinte de matériaux organiques et de formes boursoufflées, dérangeantes. Accusant les pratiques lobbyistes de sectes brésiliennes qui utilisent les joueurs de foot comme outil de promotion, son installation branlante encourage autant à la dénonciation d’un système sordide qu’à la compassion envers ses victimes, vivant de bric et de broc. Ailleurs, en peinture, c’est l’amour du jeu : dans un déploiement de couleurs et de forme, Stéphane Pencréac’h nous invite au cœur du match et nous fait revivre, grandeur nature, la liesse que déclenche les virtuosités des footballeurs (L’homme le plus cool du monde, 2006).
L’œuvre d’art à l’image du foot
Quand le foot sert de base à la création, les ponts dressés par les artistes entre leur pratique et le sport peuvent aussi dénoter d’une réflexion autour de leur propre médium. Le foot, c’est un terrain, un ballon, des maillots, des crampons. Autant d’espace et d’objets à manipuler pour les distordre, en réinventer le sens. Découpés, assemblés et recousus, les maillots de foot de Hank Willis Thomas (The Nightmare of the White Elephant, 2017) composent un tableau qui tient de la tapisserie contemporaine, et place l’uniforme du joueur sur le terrain décoratif. Les ballons ronds et le filet des cages sont détournés par Dario Escobar, qui explore leur matérialité de cuir, et les introduit au musée comme une sorte de ready-made du Mondial (Observe & Reserve, 2010). Les grilles des terrains de jeu urbains, également, viennent, par l’intervention de Fabrice Gygi (Palissades, 2010), reconstituer un espace de jeu ou plutôt de non-jeu au sein des Magasins Généraux. L’installation, l’œuvre, se fait terrain de (non) foot et dit l’enfermement des joueurs ou des supporteurs dans cette passion dévorante.
Mais le foot c’est aussi des corps qui s’évertuent dans le stade. En remettant l’homme, le footballeur, au cœur de la création, les artistes de l’exposition donnent vie à des œuvres réjouissantes, voire hilarantes. Les élans du corps galvanisé par le sport se déclinent dans le tableau d’Antoine Carbonne (Paradis, 2018) en un paradis, Olympe sous acide où on court et on virevolte. Quand ils ne sont pas directement rejoués par l’artiste – ces élans – considérant la place de son propre corps en rapport au ballon rond (Erwin Wurm et son One minute sculptures, 2005), ou celle des footballeurs immortalisée dans l’action. Taro Izumi bricole ainsi son mobilier footeux pour permettre à tout un chacun de s’installer, photos-modes d’emploi à l’appui, et reproduire sans effort l’exploit sportif (Tickled in a dream…maybe ? The destination of breath, 2017) Ca rend heureux comme un beau but, de 1998 ou de 2018 !
Par amour du jeu, 1998-2018 est à voir aux Magasins Généraux de Pantin jusqu’au 5 août 2018. Ne manquez pas dimanche 15 la Croisière des Magasins Généraux avant la finale, projetée sur grand écran : toutes les infos ici !
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