L’exposition annuelle des étudiants du Fresnoy, à Tourcoing, rassemble les œuvres de plus de 50 artistes jusqu’au 13 décembre.
Chaque année, le Fresnoy présente au public les travaux de ses étudiants. L’exposition de ce 17e Panorama, conçue par le commissaire et historien de l’art Didier Semin, reprend à son compte la logique d’un cursus en deux ans pendant lesquels les jeunes artistes, venus des quatre coins du monde, doivent réaliser deux œuvres : un film ou une installation, au choix.
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Ainsi, tandis que les salles de cinéma de l’école proposent de découvrir les films sur grand écran, les installations exposées dans la nef tissent une réflexion kaléidoscopique sur des technologies passées et futures.
En témoignent les œuvres de Raphaële Bezin, Fabien Zocco et Mathilde Lavenne, toutes trois développées pendant leur première année d’étude.
Raphaële Bezin, Les Etats et empires de la Lune
Pour Raphaële Bezin, le cinéma est un matériau qu’elle détourne et manipule. Dans Is That What I Think It Is? par exemple, la jeune artiste (finaliste cette année du concours création vidéo « Sosh aime les inRocKs lab ») jouait de sa propre fascination pour le septième art en interprétant dans un playback virtuose un collage d’extraits sonores de films classiques et contemporains. Une pratique de la réappropriation par les artistes et réalisateurs qu’elle avait d’ailleurs analysé dans une vidéo réalisée pour son mémoire de fin d’études à l’École nationale supérieure d’arts de Cergy (à voir ici).
L’installation qu’elle présente au Fresnoy rend cette fois hommage au vidéoprojecteur : « au début du cinéma, explique la jeune artiste, le projecteur était un objet de fascination et faisait autant partie du spectacle que le film. Dans « Les Etats et empires de la Lune », la machine devient un marionnettiste qui active l’image. » En effet, trônant au sommet d’une pyramide placée au centre de la pièce, le projecteur est comme animé d’une volonté propre, changeant de position selon les cadrages et les mouvements de caméra. Prenant comme point de départ une étude sociologique sur les stratégies d’occupation des sièges par le public des salles de cinéma françaises, l’œuvre de Raphaële Bezin bascule d’une fiction mettant en scène ces archétypes vers un montage d’extraits de films tourbillonnant dans la salle… et sur le public présent contraint de sans cesse changer de position face à cette projection mouvante.
Raphaële Bezin, Les Etats et empires de la Lune, vue de l’installation
Fabien Zocco, A Mind-Body Problem
A quelques pas de là, l’installation A Mind-Body Problem de Fabien Zocco plonge le visiteur dans une atmosphère très différente, bien que, elle aussi, inspirée de l’histoire du cinéma. Sa « micro architecture », cylindre étroit noyé de lumière blanche, évoque l’imagerie rétrofuturiste des films de science-fiction des années 1970 tels que THX1138 de Georges Lucas. A l’intérieur, le spectateur est enveloppé par le son d’une voix féminine prononçant un monologue décousu, hésitant, parfois décuplé.
« Un questionnement irrésolu sur une identité qui serait à la recherche d’elle-même et dans l’impossibilité de se trouver », précise l’artiste au sujet du texte, généré à partir du détournement du code source d’un des premiers programme d’intelligence artificielle développé par le MIT, au cours des années 1960. Interprété, incarné, par une comédienne, le texte de synthèse est soumis à une dernière manipulation pendant tout le temps de l’exposition tandis qu’un second logiciel le remonte et le diffuse de façon aléatoire et combinatoire. Fabien Zocco poursuit ainsi une remise en question du langage à travers la technologie, recherche débutée au cours de ses études à l’École européenne supérieure de l’image de Poitiers (où il se familiarise avec le code et la programmation) et qui se développe depuis plusieurs années sous la forme d’installations numériques.
Fabien Zocco, A Mind-Body Problem, teaser
Mathilde Lavenne, Focus on Infinity
Passée par l’Ecole supérieure d’expression plastique de Tourcoing et le post-diplôme de l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, Mathilde Lavenne présente au Fresnoy son premier film en prise réelle. Focus on Infinity prolonge une série d’explorations de paysages désertiques réalisés d’abord en dessins, puis en animations et installations interactives, comme Mirror Lake Station qui invitait le spectateur à sillonner et survoler un environnement en 3D.
Le film parvient quant à lui à immerger le spectateur dans les étendues majestueuses (et jusqu’aux plus infimes détails) d’un glacier norvégien grâce à l’utilisation pendant le tournage d’une imposante caméra permettant de filmer jusqu’à 300 images par seconde et de capter les plus subtiles variations de ce paysage glacé, mystérieux et hypnotisant. « A la manière d’une quête chamanique, j’avais besoin de trouver quelque chose là-bas, retrouver ce qui anime la nature. Je voulais vraiment partager cette expérience du réel, celle d’être confronté à ces éléments et à cette lumière particulière« , raconte Mathilde Lavenne. « Une expérience sensorielle et un voyage intérieur » portés également par un travail minutieux de la bande son, assemblage en boucles et échos de musique acoustique et d’enregistrements sonores capturés sur place.
Mathilde Lavenne, Focus on Infinity, photo de tournage
Mathilde Lavenne, Focus on Infinity, teaser
Panorama 17, jusqu’au 13 décembre, Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, Tourcoing
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