Entre sérieux accablant et fantaisie débridée, “Orlando ou l’impatience” d’Olivier Py offre le contraste saisissant d’un spectacle construit sur un double registre où le comique sauve la mise
En voix off, Victor Hugo rappelle devant les députés de l’Assemblée nationale à quel point il est important de ne pas réduire le budget des sciences, des arts et des lettres. C’était le 10 novembre 1848, preuve qu’en France plus d’un siècle et demi plus tard les choses n’ont pas beaucoup avancé.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’était aussi le prologue d’Orlando ou l’impatience, première création d’Olivier Py au Festival d’Avignon en tant que directeur. De quoi parle cette pièce dont Py n’est pas seulement le metteur en scène, mais aussi l’auteur ? Difficile à dire car elle parle de tout et de rien, du théâtre et du pouvoir et plus ou moins d’une quête du père ; sauf que cet argument semble trop artificiel et ténu pour qu’on s’y intéresse vraiment. Comme souvent chez Py, il y a les tirades grandiloquentes, la poésie toc, la posture spirituelle, le kitch, les clichés, leu théâââtreu, le Bon Dieu à toutes les sauces, bref un fatras désespérant qu’aggravent les longueurs et le remplissage.
Mourir de rire
Et puis au milieu de tout ça, il y a aussi une comédie à mourir de rire. Cela surgit soudain alors que lassé par une accumulation d’adjectifs inutiles on pense à autre chose. Jean-Damien Barbin dans le rôle du Bouffon, Eddie Chignara dans celui du ministre de la Culture et Laure Calamy dans celui d’Ambre tirent cet Orlando fastidieux vers des sommets d’humour. Comme la pièce dure longtemps, on devine peu à peu de quel processus d’écriture est née cette curieuse alternance. Car il est évident que servies par des acteurs hors pairs, ce sont les scènes comiques qui donnent à ce spectacle son relief.
A se demander pourquoi Olivier Py ne s’est pas concentré sur cet aspect où il excelle en laissant de côté les sermons pontifiants. Car comme conte édifiant son Orlando ne vaut pas un clou. En revanche comme satire de la politique et des milieux culturels, mais pas seulement bien sûr, c’est un divertissement de bonne tenue. Jérôme Cahuzac et certains directeurs de théâtre y sont, entre autres, moqués au passage avec beaucoup d’à-propos.
Logorrhée
Py est plus convaincant quand il détourne Pascal pour s’amuser que lorsqu’il enrôle Rimbaud dans des logorrhées foireuses. Son problème est qu’il penche tantôt d’un côté tantôt de l’autre. Brillant dans la fantaisie, dès qu’il devient sérieux, son vocabulaire trahit un vide gênant. Les mots lui échappent. Le mot “Dieu”, par exemple, dont il use abondamment sonne désespérément creux.
Py n’est pas un tragique, c’est sa chance. C’est un homme heureux. Ce n’est pas encore un écrivain car il se satisfait trop vite. Voilà sans doute l’impatience à laquelle il est fait allusion dans le titre de la pièce. Py conclut trop tôt. Du coup il tire à la ligne et se perd dans des méandres d’explications et de justifications alors qu’on a compris depuis longtemps où il veut en venir. Pour alléger la sauce, il introduit une pincée d’autodérision. Aussitôt le spectacle décolle. Dommage qu’il ne poursuive pas systématiquement sur cette lancée.
Orlando ou l’impatience, de et par Olivier Py, avec Jean-Damien Barbin, Laure Calamy, Eddie Chignara, Matthieu Dessertine, Philippe Girard, Mireille Herbstmeyer, Stéphane Leach, François Michonneau. Jusqu’au 16 juillet à Avignon. Dans le cadre du festival d’Avignon.
{"type":"Banniere-Basse"}