Après avoir sévi en Avignon, les affreux lutins d’Oncle Gourdin déboulent à Paris.
Comment guérir d’une addiction qui fait rage surtout durant l’été et qui pousse les gens de spectacle à faire du théâtre et de la danse entre les murs des monuments historiques ? En Avignon, mieux vaut ne pas être allergique au chant des cigales et aux cris des martinets, tant le festival multiplie les projets dans des lieux à ciel ouvert, devenus depuis Jean Vilar des scènes mythiques.
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Pour mener à bien leur étude sur cette dépendance saisonnière, Sophie Perez et Xavier Boussiron ont jeté leur dévolu sur le cloître des Célestins, ses arcades de pierres millénaires et ses deux platanes, présences magnifiques veillant en géants tutélaires sur les spectacles se déroulant sous leur frondaison.
Proposant une solution qui permet de travailler en toute saison dans un cadre prestigieux tout en maîtrisant les nuisances du plein air, nos deux chercheurs ont confectionné un décor indoor reproduisant à l’identique (échelle 1/3), le cloître des Célestins. Cette version démontable du monument pouvant être aisément transportée, elle s’avère un plus pour le spectacle qui se joue alors dans des conditions de représentation identiques tout au long des tournées, sans jamais perdre le lustre d’une création dans un lieu typiquement avignonnais.
Qu’il soit construit en pierre ou en carton-pâte, un tel lieu demeure souvent hanté par les spectacles qui s’y sont déroulés. Reste alors à faire le ménage et à se confronter aux fantômes d’En atendant, chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker créée aux Célestins lors de l’édition 2010. Le potlatch d’un exorcisme aussi barbare que purificateur déroule le tapis rouge à l’entrée fracassante de la bande de drôles de lutins convoqués dans Oncle Gourdin.
Affublée de têtes monstrueuses et de longues oreilles pointues, la troupe ventripotente et colorée s’attelle à la tâche sans rechigner. Guide des règles du savoir-vivre à l’usage de la scène, la pièce s’avère une sorte de parcours du combattant à travers lequel les lutins devront dépasser leur condition pour devenir des acteurs. Sujets à l’endormissement et à la somatisation dès qu’on aborde les textes de Claudel, Shakespeare ou Olivier Py, c’est finalement à travers la question de l’enfance, qui a traversé nombre de spectacles de l’édition 2011 du Festival d’Avignon, que nos lutins s’accorderont sur une thématique à la hauteur de leurs compétences.
Le prétexte d’un enfant trouvé (texte d’Arnaud Labelle-Rojoux), les difficultés relationnelles d’OEdipe avec son père et sa mère, ou le dur choix de Médée quant à l’avenir de sa progéniture sont alors autant de morceaux de bravoure d’une rare hilarité. L’image malignement déformée par l’humour d’un Avignon éternel où l’on twiste sans cesse entre le grotesque de la farce et la poésie du tragique.
Patrick Sourd
Oncle Gourdin conception, mise en scène et scénographie Sophie Perez et Xavier Boussiron, du 8 septembre au 8 octobre au Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe, tél. 01 44 95 98 21, www.theatredurondpoint.fr
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