Le directeur du festival a dévoilé vendredi les 56 propositions scéniques qui prendront place du 4 au 26 juillet prochain.
Je suis l’autre : l’esprit de Charlie Hebdo inspire la 69ème édition du festival d’Avignon
L’heure est grave au moment de présenter la programmation de la 69ème édition du festival d’Avignon dans l’une des salles du 104 à Paris. A deux jours du deuxième tour des élections cantonales, Olivier Py a beau ne parler que d’artistique et éviter de s’appesantir sur les finances en régression du festival et la flambée du Front National, il lance sa conférence de presse parisienne, au 104, en résumant la situation: « Cette édition feu d’artifice fut complexe à réaliser, notamment sur le plan budgétaire. Il a fallu faire plus et mieux, avec moins« . Notamment moins 5% de subventions de la ville d’Avignon, a-t-il appris le 16 mars. Moins restant mieux que rien du tout, souligne-t-il alors que s’affiche sur l’écran du plateau une carte de France, mise à jour le 21 mars, comptabilisant le nombre de festivals, toutes disciplines confondues, qui ont été annulés en un an, faute de moyens. On les compte par dizaines…
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Une programmation riche malgré la crise
C’est donc un tour de force de proposer cette année 38 spectacles et 9 Sujets à Vif, dont 35 créations, parmi lesquelles le festival d’Avignon produit ou coproduit 16 spectacles. En tout, si l’on ajoute les expositions (dont le Musée imaginaire de Patrice Chéreau à la Collection Lambert), les rencontres publiques, les programmations avec le cinéma Utopia, 56 propositions sont à l’affiche, dont 21 de théâtre, 7 de danse, 7 de musique et 12 formes indisciplinaires.
Une fois de plus, l’émergence est le point cardinal d’une programmation dont une trentaine d’artistes viennent pour la première fois au festival d’Avignon. Enfin, la proportion des spectacles français et étrangers est équivalente, avec un focus sur l’Argentine (Sergio Boris, Mariano Pensotti et Claudio Tolcachir), mais aussi des spectacles venus d’Allemagne (Thomas Ostermeier), de Pologne (Krystian Lupa), du Portugal (Tiago Rodrigues), du Sénégal (Fatou Cissé), d’Estonie (Theater n°99) ou de Russie (Kirill Serebrennikov).
Dans la continuité de sa première édition, Olivier Py poursuit une programmation jeune public qui trouve sa maison d’accueil dans la chapelle des Pénitents Blancs et celle dévolue à la « décentralisation des 3 km », qui lui est chère, avec le spectacle itinérant, Ubu sur la butte, d’après Alfred Jarry et mis en scène par Olivier Martin-Salvan. L’an passé, il avait annoncé qu’il ferait au moins une création dans la Cour d’honneur du Palais des Papes pendant son mandat de directeur. Ce sera chose faite cet été avec Le Roi Lear, de Shakespeare, dont il signe la traduction et la mise en scène.
« J’aurais pu l’intituler Le silence de Cornelia, tant cette pièce nous raconte le XXe siècle, le siècle le plus violent, le plus noir, terrible et désespéré, qui commence par un doute sur le langage. L’indicible pour la première partie du XXe siècle, l’innommable pour sa partie médiane. Or, le Roi Lear se construit sur un effondrement, celui du langage »
S’il s’est livré à l’exhaustif et traditionnel exposé de chaque spectacle programmé, cette conférence de presse innova cette année avec une série de diaporamas ou de films vidéo pour une présentation en images qui donne tout de suite un avant-goût esthétique de la diversité des œuvres proposées.
Si la danse et les formes indisciplinaires sont en progression, d’autres fils rouges s’affirment: la place de la littérature, avec notamment la lecture de Juliette et Justine, le vice et la vertu, de Sade par Isabelle Huppert, voire de la littérature et de la musique, avec L’amour et les forêts d’Eric Reinhardt et le groupe de rock Feu ! Chatertton ou avec Cassandre de Christa Wolf, avec Fanny Ardant et le compositeur Michael Jarrell. Ou encore, de la littérature et de la danse, avec Retour à Berratham, une chorégraphie d’Angelin Preljocaj sur un texte de Laurent Mauvignier.
Celle de la poésie aussi. Qu’il s’agisse de l’invitation faite à Valère Novarina de créer Le Vivier des noms ou de la création de Forbidden Di Sporgersi, on pourrait apercevoir le bout du tunnel, par Marguerite Bordat et Pierre Meunier, à partir des écrits de Babouillec, jeune femme autiste dont le seul mode d’expression et de communication est la poésie. Celle aussi de la Méditerranée et du monde arabe avec la soirée musicale Barbara Fairouz par la chanteuse tunisienne Dorsaf Hamdani.
Le travail de la mémoire
Autre fil rouge qui traverse toute la programmation, de l’Argentin Mariano Pensotti à l’Egyptien Ahmed El Attar ou la Hongroise Eszter Salamon : le conflit, la guerre, les dictatures, les révolutions. A cet égard, l’exposition Hope, consacrée à Srebrenica, travaille aussi sur une mémoire particulière, vingt ans après les faits.
On se souvient qu’en juillet 1995, plusieurs artistes entamèrent pendant le festival d’Avignon une grève de la faim pour protester contre le massacre de Srebrenica. Olivier Py était l’un d’eux. D’où, bien sûr, sa conclusion: « Avignon, ce n’est pas du tout un catalogue de spectacles, mais une ville en état d’utopie pendant trois semaines ». Une utopie résistante, à l’image de l’invitation faite à Charlie Hebdo de participer cet été aux Ateliers de la pensée. Je suis l’autre, une formule et des actes.
Festival d’Avignon, du 4 au 25 juillet. www.festival-avignon.com
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