Mickaël Phelippeau illumine les Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis avec un bilan de compétences et quatre danseuses.
En ce jour de répétition au Théâtre d’Orléans, Mickaël Phelippeau n’a pas encore trouvé sa place. Il sait qu’il ne sera pas sur le plateau, mais où ? En salle, en coulisse, en régie ? Micro à la main, il lance Numéro d’objet de sa voix grave. On ne quittera pas, 70 minutes durant, les danseuses Valérie Castan, Claire Haenni, Pascale Paoli et Sabine Macher. Cette dernière a offert un beau jour un bilan de compétences à Mickaël Phelippeau, drôle de cadeau. Fidèle à ses expérimentations – dans Bi-portrait Jean-Yves, il invitait un curé en scène pour un duo -, il en a fait un point de départ.
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Avec malice, il convoque à la fois la figure de la danse des années 80 et son propre « double », une personne qui a vécu sa vie, arrêté, pogoté, douté. Numéro d’objet tient à la fois du puzzle gestuel et de l’enquête chorégraphique avec de vrais morceaux de pièces, Reproduction d’Eszter Salamon, Cabaret Voltaire d’Alexis Forestier, sans oublier une danse macabre. Chacune questionne l’autre, en évitant de se regarder le nombril. « J’avais l’impression que les danseuses avaient des histoires communes. Mais en fait Valérie m’a dit : ‘Tu ne pouvais pas en choisir quatre plus différentes. »
De ces nuances, Numéro d’objet est riche : la question de la mémoire qui interpelle deux générations de chorégraphes français, en gros de Jean-Claude Gallotta à Jérome Bel, est abordée du point de vue de l’interprète. « C’est un travail sur le manque », lâche Pascale Paoli à propos de son incapacité à chanter. Mais aussi et surtout une approche du trop-plein : une parle de ses saluts le jour où elle dansera pour la dernière fois, l’autre d’un solo de ses 90 ans. « Le numéro on l’a, mais l’objet on ne sait pas trop », répète Sabine Macher, qui a traversé ces années danse avec une folie douce. Pas faux.
Mickaël Phelippeau nous laisse volontiers dans une zone d’incertitude. Ce qui ne veut pas dire d’inconfort. A vrai dire, il y a longtemps que l’on n’avait pas vu un spectacle aussi généreux, qui ne cache rien – la régie son est d’ailleurs à vue… pour l’instant. « Ce qui m’émeut et me motive, c’est le fait de travailler avec des personnes et pas seulement des danseuses. Il y a autant de parcours que de portraits. » D’ici quelques décennies, dans un inventaire de « Numéro d’objet/Mickaël Phelippeau », on trouvera alors répertoriés une apparition nue de Sabine Macher, une bête à deux dos, les pas d’une sorcière russe « et tout ce qui s’est passé entre mes jambes durant ma vie » ou un adieu « mécanique et vivant à la fois ». Et le souvenir ému d’un portrait de groupe avec dames.
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