Séverine Chavrier s’empare de Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard et aborde les personnages par leur déséquilibre : un théâtre quasi documentaire, où les fous sont rois.
Epinglant la décrépitude de la société viennoise, Thomas Bernhard met en scène dans Déjeuner chez Wittgenstein trois représentants d’une grande famille de la capitale autrichienne. Une triplette d’héritiers richissime qui a toutes les peines du monde à négocier avec la réalité.
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Les deux sœurs se disent actrices mais n’ont jamais été capables de jouer ailleurs que dans un théâtre dont elles sont les actionnaires majoritaires… Quant au frère, qui se dit philosophe, sa propension à flirter avec le déséquilibre mental fait de lui un pensionnaire privilégié du pavillon psychiatrique du Steinhof, où il dispose d’une chambre à l’année.
Le titre français de la pièce fait référence à une fameuse famille viennoise mais Thomas Bernhard lui avait préféré Ritter, Dene, Voss, en hommage aux trois comédiens ayant créé les rôles (Ilse Ritter, Kirsten Dene et Gert Voss). Un brouillage des cartes qui décale notablement le sens à donner à cette pièce et transforme le fiel de la dénonciation en un prétexte pour offrir des rôles sur mesure à des acteurs aimés.
Trois enfants qui ne grandiront jamais
En titrant son adaptation Nous sommes repus mais pas repentis, Séverine Chavrier opte pour le psychodrame et nous invite à partager ce déjeuner en voyeurs. Sur un sol où s’accumule de la vaisselle brisée, elle se livre à l’éloge de la folie de ces trois enfants qui ne grandiront jamais. Trois orphelins qui, comme des chiots séparés trop tôt de leurs géniteurs, ne savent comment apprendre de la normalité pour exister.
Portée jusqu’à la déraison par des comédiens écorchés vifs, débarrassée de son cynisme et de ses répliques de pièce à succès, l’œuvre de Thomas Bernhard rutile de cette mise à nu. Séverine Chavrier creuse du côté de la vérité et son hypothèse réaliste fait d’autant plus mal qu’elle touche au but en rendant enfin ses personnages si touchants qu’ils en deviennent aimables.
Nous sommes repus mais pas repentis d’après Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard, conception Séverine Chavrier, avec Marie Bos, Séverine Chavrier, Laurent Papot, jusqu’au 29 mai à l’Odéon-Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier, Paris XVIIe , theatre-odeon.eu
« Nous sommes repus mais pas repentis » – Entretien avec Séverine Chavrier, nov. 2015, Vidy-Lausanne from Théâtre de Vidy on Vimeo.
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