Les Vagues, création la plus maîtrisée du chorégraphe, explore les flux et reflux mémoriels des mouvements.
Il est beaucoup question de mémoire dans Les Vagues : celle du corps bien sûr, tout autant que celles que l’on s’invente. Ainsi, une soliste interpelle le public en déclamant une sentence extraite de l’ouvrage éponyme de Virginia Woolf.
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Un personnage entend nous conter une histoire. Qu’elle soit d’enfance, de mariage ou de mort. Vraie ou fausse. Tout ceci a existé – puisqu’on l’a dansé, on l’a lu. Mais seul le spectateur en garde le souvenir au final.
Avec cette chorégraphie, la plus aboutie de son œuvre, Noé Soulier s’emploie donc à suggérer une gestuelle dans un va-et-vient constant au plateau. Comme un ressac du mouvement. Ce dernier paraît animé d’une force de propulsion propre.
Les interprètes sautent à pieds joints dans la danse, s’étonnent de leur propre autonomie, s’allongent à l’avant-scène pour constater l’étendue du chemin parcouru. Dans un duo où jambes et bras s’entremêlent, Noé Soulier élabore une forme inconnue, à la fois monstrueuse et poétique.
Une énumération silencieuse d’états de corps
Plus tard, le temps d’un solo, ce sera une énumération – silencieuse, mais avec force gestes – d’états du corps. Une main portée au cœur, un dessous de pied frottant le sol participent de ce dérèglement des sens. Avec comme paroxysme cette séquence dans une pénombre aux allures de dance party avec techno kids enfin délivrés.
Pliée autant que dépliée, la chorégraphie de Noé Soulier explore dans Les Vagues un terrain de jeu d’une rare liberté. L’écriture corporelle est néanmoins sertie dans un écrin musical. En collaborant avec les deux percussionnistes de l’ensemble Ictus, Tom De Cock et Gerrit Nulens, Soulier trouve le rythme comme la structure de sa pièce.
Présents sans jamais s’aventurer au-delà de leurs lignes d’instruments, les musiciens créent un paysage sonore d’une incroyable force visuelle. Caressante ou percutante, cette partition à laquelle le chorégraphe a participé, canalise alors l’énergie des danseurs sans la contraindre.
Noé Soulier est passé par l’école de danse contemporaine P.A.R.T.S. et a aussi étudié la philosophie. Les Vagues serait comme le point de jonction de ces deux parcours. En une poignée de pièces, il a réussi à développer une grammaire en mouvement. Removing, Faits et gestes ou Mouvement sur mouvement en témoignent.
Mis à part Performing Art, vu comme un point de suspension dans cette recherche chorégraphique avec son musée éphémère, le travail de Noé Soulier interroge la danse et ses traces. Le Royaume des ombres, titre révélateur, était aux yeux du chorégraphe un exercice – de style ? – à “décalages multiples” autour du langage classique.
Dans Les Vagues, il est encore question de décaler cette pensée chorégraphique féconde qui est la sienne. Un lancer de gestes comme une vague de plaisir. Philippe Noisette
Les Vagues Conception Noé Soulier, du 14 au 17 novembre, dans le cadre du Festival d’Automne de Paris, Chaillot- Théâtre national de la danse, Paris XVIe ; les 18 et 19 décembre, Théâtre Garonne, Toulouse ; les 19 et 20 mars, Opéra de Lille
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