Les problématiques liées aux déplacements de populations humaines ont toujours été au cœur du travail de cette artiste turque, exilée volontaire en France.
Exile Is a Hard Job. Toujours valable, cette formule que l’on pourrait traduire en français par “c’est un dur métier que l’exil”, et que Nil Yalter emprunte à son compatriote le poète turc Nâzim Hikmet (1902-1963), donne le la de sa rétrospective au Frac Lorraine. Exile Is a Hard Job est un néon que l’artiste a produit en 2015, c’est aussi un clin d’œil à l’exposition qu’elle présenta en 1983, à l’ARC/musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
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Plus généralement, cette devise, implacable et réaliste, est l’enseigne clignotante sous laquelle Nil Yalter, 77 ans, a placé l’ensemble de son œuvre. La question des migrants est depuis toujours centrale chez cette exilée volontaire qui quitta la Turquie pour Paris en 1965. Dès son arrivée en France, Nil Yalter fait la connaissance des communautés immigrées, portugaises, algériennes ou turques, qu’elle filme à Ris-Orangis, Corbeil-Essonnes ou Goussainville.
La question de l’émancipation des femmes
Invitée à présenter son travail en 2012, lors d’une conférence au Centre Pompidou, elle dira : “Rien n’a changé, les populations d’immigrés ont changé, la géographie a changé, mais les problématiques sont les mêmes. Parfois, cela a même empiré.” La destinée et les trajectoires des migrants seront donc à nouveau au cœur de cette exposition présentée à Metz.
Autre thème traité, la question de l’émancipation des femmes, l’un des combats qu’elle mena dans les années 1970, à travers notamment la vidéo La Femme sans tête. Elle s’y met en scène, en plan rapproché : sur son ventre nu, elle a reproduit un texte du poète René Nelli, qui dit la jouissance clitoridienne et, aussi, les violences faites aux femmes.
Une œuvre multipiste
On pourra aussi y voir, entre autres, le reenctament d’une sculpture de 1973, une yourte baptisée Topak Ev inspirée des traditions ancestrales des nomades d’Anatolie, ou cette œuvre multipiste, Orient Express (1976), qui, à travers des films, dessins, photographies ou textes, documente un voyage que Nil Yalter effectua dans ce train mythique qui permettait alors de passer de l’autre côté du Rideau de fer.
D’abord montrée à La Verrière à Bruxelles, l’exposition de Nil Yalter inspira ce commentaire au commissaire et critique d’art Guillaume Désanges : “L’artiste autodidacte appartient à une frange marginale de l’art conceptuel, qui ne renonce ni à la forme, ni aux vertus littéraires de l’art comme manière de ‘dire le monde’.” De fait, ces deux exigences sont ici indissociables au sens où c’est la matière concrète (collectée, décrite, dessinée ou reproduite) qui opère comme “pièce à conviction”.
Nil Yalter, un art sous influence ethnographique du 5 février au 5 juin au Frac Lorraine, Metz, fraclorraine.org
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