A la Biennale de Venise, le Tunisien Nidhal Chamekh réinterprète dans une série de dessins fulgurants la profusion d’images produites par la révolution de jasmin.
Né en 1985, Nidhal Chamekh est l’une des révélations de la 56e Biennale de Venise. S’il n’a pas été primé comme le jeune Algérien Massinissa Selmani, distingué par une mention spéciale du jury pour ses dessins au pastel, le Tunisien Nidhal Chamekh a marqué néanmoins les esprits avec une série au graphite, encres et transferts intitulée De quoi rêvent les martyrs. Présentée partiellement à la Corderie, dans la grande exposition fleuve du Nigérian Okwui Enwezor, elle passe littéralement au scanner les rêves et les cerveaux agités des martyrs.
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Dessin n° 1 Encre et graphite sur papier 42 x 60 cm, 2012 © Courtesy Nidhal Chamekh
Dessin n° 3 Encre, graphite et transfert sur papier 42 x 60 cm, 2012 © Courtesy Nidhal Chamekh
Diplômé des Beaux-Arts de Tunis en 2004, puis de Paris I, Nidhal Chamekh fit un bref passage par l’Ecole des beaux-arts de Paris avant d’exposer en Tunisie et en France “avec des artistes de (m)a génération qui partagent avec (moi) des questionnements et des intentions communes”.
« Ma pratique artistique emprunte plusieurs chemins mêlant le dessin à la peinture et à l’installation. La multiplicité des styles, de formes et de techniques vient creuser les mêmes intentions, tourner autour du même centre, en empruntant à chaque fois des rythmes et des distances différentes« , commente encore avec poésie cet artiste « révélé » en 2014 à la Biennale de Dakar où Enwezor repéra son travail.
Dessin n° 7 Encre, graphite et transfert sur papier 42 x 60 cm, 2012 © Courtesy Nidhal Chamekh
Dessin n°12 Encre, graphite et transfert sur papier 42 x 60 cm, 2013 © Courtesy Nidhal Chamekh
Dessin n° 10 Encre, graphite, transfert et collage sur papier 42 x 60 cm, 2013 © Courtesy Nidhal Chamekh and Kamel Lazaar Foundation
« A chaque fois, ce sont comme des essais, des ébauches et des études partielles, à l’intersection du politique et du biographique, du personnel et de l’historique, de l’événement et de l’archive. Le dessin joue un rôle central dans mon travail, il permet une forme d’urgence, de saisir l’immédiateté d’une situation. »
« La série des ‘Martyrs’ s’est faite durant les deux premières années qui ont suivi les révoltes du bassin minier en Tunisie. C’est certainement devant la riche et colossale matière qui a été produite en terme d’images, d’informations visuelles et de faits que j’ai commencé à dessiner. Les dessins ont aussi été impulsés par un court texte de Slah Daoudi * (un universitaire tunisien arrêté par la police – ndlr)« , raconte encore Nidhal Chamekh.
Dessin n° 8 Encre, graphite et transfert sur papier 42 x 60 cm 2012 © Courtesy Nidhal Chamekh
Dessin n° 9 Encre, graphite et transfert sur papier 42 x 60 cm 2013 © Courtesy Nidhal Chamekh and Kamel Lazaar Foundation
« Mais le texte a sa dynamique interne et il fallait que je trouve la mienne, plutôt plastique, dont l’image est la matière et le point de départ. Dans cette série plusieurs types d’images cohabitent : des images issues de la presse, des réseaux sociaux, de vidéos, mais aussi des images d’archives et d’histoire… Exactement de la même façon que l’œil est sans cesse confronté à une diversité d’images », continue-t-il avant de préciser :
« J’ai exposé une partie de la série en 2012 à Tunis. Les dessins n’ont eu aucune visibilité, ni écho. Les structures de diffusions étaient perplexes ou cherchaient des ‘formules’ plus simples et plus directes de la part d’un ‘artiste de la révolution du jasmin‘. »
* “De quoi rêvent les martyrs ?
Merci à la générosité du martyr
Pour l’extrême courtoisie
ou la bonne hospitalité
Et pour l’éclairage des ruelles
Et les émotions révoltées
Et pour l’élégance vestimentaire
Et la nostalgie pour la terre mère…
Et l’impossibilité de répondre à la question: De quoi rêvent les martyrs ?”
Slah Daoudi – 16 février 2011. Traduction de Ghassen Amami
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