Les liens entre l’art et l’argent n’en finissent pas de faire débat. Les artistes sont-ils et elles des travailleur·ses comme les autres ? Le marché de l’art cannibalise-t-il l’appréciation désintéressée ? Et que penser des NFTs ? Sont-ils un nouveau médium ? La grande exposition de la Monnaie de Paris, L’Argent dans l’art, rassemble près de vingt siècles de rapports entre les artistes avec l’argent. Attention : derniers jours !
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A priori, le sujet serait antithétique : l’argent et l’art. Comme des amours interdites. Comme des adelphes ennemies. On se dit que l’art serait réservé aux hautes sphères éthérées, celles qui ne se quantifient pas. Le beau ? Forcément inestimable. Et quand bien même l’art serait pris par son versant conceptuel, personne ne songerait à mettre un prix sur l’intellect, ou alors un prix précisément sans commune mesure avec la valeur d’une marchandise.
Mais qu’on y réfléchisse à nouveau et alors on se rend compte. On pense de manière générale à l’art comme divorcé de l’argent, et pourtant les exemples particuliers des rapports intimes, voire inextricables, de l’art et l’argent sont partout. Et d’abord dans l’actualité : les NFTs (pour jetons non-fongibles) sont désormais entrés dans la collection du Centre Pompidou – on le constatait au printemps dernier au travers d’une exposition
Au même moment, une autre exposition, à succès, Warhol x Basquiat, à quatre mains à la Fondation Louis Vuitton, présentait parmi ses toiles les signes d’un capitalisme effréné – logos, sigles ou tout simplement symbole du dollar. La liste pourrait s’allonger. Juste quelques années auparavant, en 2019, l’affaire de la banane de Maurizio Cattelan défrayait la chronique.
L’art, l’argent et les mythes
La thématique court bel et bien comme un fil rouge à travers l’histoire de l’art : la récente et celle qui remonterait aux débuts de l’humanité, avant même que l’art ne soit formalisé en tant que tel. L’histoire des humains donc, qui représente, orne, symbolise, fait circuler et assigne de la valeur au monde qui les entoure. L’Argent dans l’art, tout simplement, est le titre de l’exposition de la Monnaie de Paris, en cours jusqu’au 24 septembre. Soit un panorama pléthorique, qui, comme rarement, embrasse le thème de front, et le décline sous ses multiples facettes. Sous le commissariat de Jean-Michel Bouhours, ancien conservateur en chef du Centre Pompidou et du Nouveau Musée National de Monaco, la proposition rassemble près de deux cents œuvres.
Pour doter le sujet d’une plus grande lisibilité, dégager ses mythes et ses représentations, ses continuités et ses ruptures historiques, le parcours se fait chronologique, tout en se déclinant en sections thématiques. À travers les salons historiques et les galeries contemporaines du bâtiment de la Monnaie de Paris, le ou la visiteur·se découvre ainsi six chapitres.
Les chefs-d’œuvre replacés dans leur contexte social
Une première partie inclut les mythes et origines de la monnaie jusqu’aux métiers d’argent au Moyen Âge ; une deuxième mène à la révolution industrielle et à la naissance du capitalisme à la modernité. Place, ensuite, aux approches plus conflictuelles ou aux critiques de mouvements comme ceux des dadaïstes ou des situationnistes. Avant, en point d’orgue, une ouverture sur l’ultime évolution de la relation entre art et argent, très actuelle : la dématérialisation, que concerne les bitcoins et la blockchain.
Au fil des salles, la thématique permet également de voir ou revoir quelques-uns des grands chefs-d’œuvre, connus individuellement mais rarement présentés dans ce contexte précis. L’approche reconnecte les périodes artistiques à leur ancrage sociologique plus vaste. Parmi les hits présents ayant déjà marqué le panthéon culturel, beaucoup n’ont jamais été réunis, prêtés pour l’occasion, issus de collections publiques parisiennes – celles du musée du Louvre, du musée d’Orsay, du Centre Pompidou, mais également de Fonds régionaux d’art contemporain (Frac).
Citons Le Baiser de l’artiste d’ORLAN de 1977 : la performance fera connaître l’artiste qui, postée en off de la Fiac (Foire internationale d’art contemporain), monnayait ses baisers 5 francs. Ou encore le bon de Cession d’une Zone de sensibilité picturale immatérielle à Michael Blankfort d’Yves Klein (1962), qui attestait de l’acquisition par le collectionneur du même nom de la zone en question, contre 80 grammes d’or fin. Un panorama indispensable au moment où les monnaies virtuelles, l’argent et la valeur sont plus que jamais sujets de société.
L’Argent dans l’art, jusqu’au 24 septembre, Monnaie de Paris
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