Le dramaturge Gabriel F. chante le souvenir d’un amant d’une nuit. Mais un personnage rebelle et l’irruption de sentiments bien réels vont bouleverser son récit.
Quelques notes du “Clavier bien tempéré” de Bach, un sol blanc immaculé et un homme dans une posture de yogi, comme un précipité, un éloge de la solitude. Il aimerait bien être danseur. Cet homme qui danse sans être danseur, c’est Gabriel F., auteur, metteur en scène et acteur de Naufragé(s). Avec toute la gravité que seul peut conférer un certain humour, il tente de raconter la plus belle histoire d’amour du monde. Et même s’il aime la beauté des jours tristes, Gabriel F. a décidé de s’arranger avec la vérité et d’enjoliver son récit.
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Cette bluette philosophique, qui pourrait être aussi une méthode pour apprendre à nager sans eau, brasse avec légèreté et habileté, presque comme si de rien n’était, des questionnements pourtant audacieux et profonds : la peur de mourir, la solitude, l’art et la création, l’amour et l’indifférenciation entre fiction et réalité. Dans une ville, au bord de la mer, un homme marche sur la plage. Le soir dans un karaoké, seul, avec le patron du bar et Whitney Houston qui chante sur scène comme si elle était véritablement elle-même, pas encore morte, Gabriel F. lui aussi se met à chanter. Des chansons d’amour, toutes les chansons d’amour, et là il le rencontre, l’amant de cette ville au bord de la mer, avec qui il dansera toute la nuit, même au lit, où ils continueront à danser, mais couchés.
Dire l’indicible du bouleversement amoureux
Quoi que l’on en pense, ce n’est pas une mince affaire que de dire l’indicible du bouleversement amoureux. Alors Gabriel F., voulant en faire le récit sous la forme d’un monologue qui s’apparente à un soliloque, convoque les outils du théâtre, une boule à facettes, un projecteur-soleil, une mer de sacs en plastique et Gaspard, un escort boy qu’il a rencontré dans la rue et auquel il demande de rester là, sur scène, sans rien dire.
La réalité s’ingérant dans la fiction va troubler pourtant le récit rondement échafaudé que souhaitait délivrer, sans possible contradiction, l’auteur-acteur et metteur en scène de son propre spectacle. Après tout, il vaut mieux être seul que mal accompagné et la solitude sied à merveille aux cœurs les plus tendres…
C’est ainsi qu’inopinément Gaspard se mit à parler et d’un mot détruisit le monologue de la vie de Gabriel F. La réalité, cette folle du logis, allait d’un baiser faire basculer la fiction dans une autre dimension. Quelle différence peut-il y avoir entre un baiser réel et un baiser de fiction ? La fiction serait-elle capable d’éveiller quelque sentiment réel ? Et si oui, alors quelle différence y a-t-il entre la réalité et la fiction ? Autant de questions auxquelles les deux personnages de ce monologue philosophique et amoureux ne répondront pas, mais l’on saura que cette chambre d’hôtel, dans cette ville au bord de la mer, abritera certainement la plus belle histoire d’amour du monde.
Naufragé(s) Texte et mise en scène Gabriel F., musique Marco Michelangelo, avec Gaspard Liberelle. Jusqu’au 3 février, Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe
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