Avec La Mouette, Thomas Ostermeier réalise sa première incursion en français dans l’univers de Tchekhov : une comédie doublée d’une fresque politique ancrée dans notre époque.
Médecin investi dans les combats humanitaires de son époque, Anton Tchekhov fait figure de lanceur d’alerte quand il s’indigne des conditions de vie qu’il découvre au bagne de l’île de Sakhaline. Dramaturge s’attachant à la chronique d’une petite bande représentative des milieux culturels de son siècle, c’est le même homme qui décrit dans La Mouette les mille et un enjeux d’un débat sur l’art qui oppose ses personnages et stigmatise leur incapacité à prétendre s’aimer.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En revendiquant pour sa pièce l’intitulé de comédie, l’auteur questionne son public sur la futilité de ces destinées ignorantes des horreurs flagrantes qui se déroulent en Russie. A l’occasion de cette mise en scène de La Mouette, Thomas Ostermeier fait le pari de réconcilier sur son plateau le médecin et le dramaturge en plongeant l’intrigue de la pièce dans les débats politiques qui agitent l’Europe contemporaine.
Standard du rock
C’est à partir de son adaptation de La Mouette en allemand que le metteur en scène a commandé à Olivier Cadiot l’écriture du texte en français et a demandé à ses comédiens de vivre au présent les situations vécues par leurs personnages. Le texte final s’enrichit alors des dialogues improvisés lors des répétitions.
L’ambiance joyeuse de cette villégiature est l’occasion de revisiter a capella et guitare à la main les standards d’une rock culture qui va de Jimi Hendrix à David Bowie et des Doors au Velvet Underground. On ne s’étonnera donc pas non plus que la fameuse lecture d’un passage de Maupassant soit remplacée par celle d’un irrésistible extrait de Plateforme de Michel Houellebecq ni que lors des discussions soient évoqués Daech, les conflits au Moyen-Orient et la question des réfugiés syriens.
Jamais cynique
Cette mise en perspective au regard de ce qui arrive à notre époque est alors garante d’une forme de sincérité qui transfigure chaque situation de la pièce.
Témoignant d’un humour qui ne vire jamais au cynisme, ces quelques inserts suffisent à donner le ton d’une comédie de mœurs où le rire ne se fait jamais au détriment des personnages. De l’engagement politique de certains à l’incapacité de se positionner des autres, Thomas Ostermeier relève le défi d’inscrire les figures tchekhoviennes dans le présent de nos enfermements… Une incontestable réussite.
La Mouette d’Anton Tchekhov, texte français Olivier Cadiot et Thomas Ostermeier, mise en scène Thomas Ostermeier, avec Bénédicte Cerutti, Valérie Dréville, Cédric Eeckhout, Jean-Pierre Gos, François Loriquet, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Matthieu Sampeur, Marine Dillard, du 20 mai au 25 juin à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris VIe, theatre-odeon.eu
{"type":"Banniere-Basse"}