Article initialement paru sur le site de Paris+ par Art Basel.
Capturé au début de la pandémie, le cliché de la fameuse photographe américaine est actuellement exposé au Louvre.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il est bien rare de voir une photographie de fleurs dans l’œuvre de Nan Goldin. Ce bouquet posé sur une table devant la fenêtre a le charme des choses floues qui rendent la sensation de vie simple. Dans les faits, la photographe et activiste l’a vu se faner et tomber peu à peu quand elle a dû rester cloîtrée dans son appartement de Brooklyn au moment de la première vague de Covid en 2020. “Les fleurs fanées, en peinture, sont l’emblème du memento mori”, nous dit Donatien Grau dans le catalogue de l’exposition du Louvre sur “Les choses”. Sur un post-it collé sur la vitre, deux têtes de mort rappellent que nous sommes mortels. Nan Goldin sait que tout peut basculer d’un moment à l’autre. Le suicide de sa sœur en 1963 lui a prouvé que rien ne serait plus jamais stable ; c’est en photographiant sa famille qu’elle a commencé sa vie d’artiste avant d’élargir à l’infini sa “tribu”. Depuis, son œuvre contient les signes de vie comme de mort, de joie et de douleur, de puissance et de fragilité, d’amour et de haine, de violence et de tendresse.
La douleur existe et Nan Goldin fait partie de ces artistes qui lui donnent une forme sans la nier. Elle la combat avec ses arguments en plongeant au cœur des mondes où rôdent la mort, la maladie, le sida, la destruction. À force de montrer celles et ceux qui menacent de sombrer, Nan Goldin est devenue l’égérie des générations hantées par l’anxiété et le désordre amoureux. Si elle côtoie le gouffre, c’est sans blindage. Quelques photographies de choses le montrent tout particulièrement : son Self-Portrait in the Blue Bathroom de 1980, ou Drugs on the Rug, New York City de 2016.
Dans sa photographie délicate de bouquet de fleurs en voie de corruption, Nan Goldin est comme le samouraï du 14e siècle d’un fameux haiku, dans lequel le guerrier enlève son armure en voyant des pivoines sur le bord du chemin le conduisant à la guerre. Un ami cher me dit que ce combattant s’est arrêté net, stupéfait par la beauté de ces fleurs qui l’ont désarmé.
Nan Goldin est représentée par Marian Goodman Gallery (New York, Paris, Londres).
Historienne de l’art, Laurence Bertrand Dorléac est commissaire de l’exposition Les Choses. Une histoire de la nature morte, ouverte jusqu’au 23 janvier 2023 au musée du Louvre, Paris.
L’écriture inclusive n’est pas appliquée à ce texte à la demande de l’auteur.
{"type":"Banniere-Basse"}