A Dijon, une exposition se présente comme une adaptation très libre du dernier roman de Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire. L’écrivain en donne sa lecture et détaille sa vision de l’art contemporain.
Quelle a été votre première réaction lorsque la commissaire de l’exposition Stéphanie Moisdon a émis le souhait d’adapter La Carte et le Territoire dans le champ de l’exposition ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Michel Houellebecq – Enormément de curiosité. D’abord (et de manière pas du tout spécifique) parce que l’art actuel, grâce à l’extraordinaire variété des supports qu’il emprunte, est sans doute le domaine culturel le plus à même, aujourd’hui, de susciter la curiosité. Mais surtout parce que les deux thèmes principaux de mon livre – d’une part les évolutions récentes du territoire, et en particulier du territoire français, d’autre part la production et la description des objets du monde ;artistiques, artisanaux ou industriels – pouvaient servir de point de départ à une exposition, et je ne savais pas du tout dans quelle direction Stéphanie Moisdon allait s’orienter. Manifestement, elle a choisi le second thème, ce que je ne regrette pas du tout (même si le titre de mon livre fait référence au premier, c’est probablement le second qui est le plus important, au bout du compte).
Que pensez-vous de la “traduction” qui est faite de votre livre au sein de cette exposition, par rapport aux adaptations précédemment réalisées au cinéma ? Et du “format adaptation” dans le champ de l’art, de façon générale ?
Le cinéma tente d’adapter des histoires, avec cette difficulté que le format d’un scénario de film est celui d’une longue nouvelle plutôt que d’un roman. Pour La Possibilité d’une île, qui est de plus un roman long, j’avais tenté d’adapter les thèmes, mais l’échec public et critique a été total. Peut-être, au fond, le cinéma n’est-il pas fait pour cela. Partir des thèmes, d’un point de départ intellectuel – plutôt que d’une histoire ou de personnages – est en revanche une démarche absolument naturelle dans le cadre d’une exposition d’art. Un roman, c’est certes une histoire et des personnages, mais il arrive aussi qu’il y ait un contenu intellectuel. Au fond, il est surprenant que l’art ne s’attaque pas plus souvent à l’adaptation d’oeuvres littéraires.
Quel regard portez-vous sur l’art contemporain ?
Je ne peux pas répondre sur mon rapport à l’art contemporain, parce qu’il est en train d’évoluer, en raison non de l’exposition, mais d’un projet personnel que j’ai entamé avec un artiste, et qui est trop peu avancé pour que je réussisse à en parler.
S’agissait-il dans votre livre, et comme le soutient l’expo, de réconcilier l’art avec une certaine histoire de l’artisanat, ou du mouvement Arts and Crafts, largement dévalorisée en France ?
Oui, absolument. Dans le livre, lors de sa dernière visite à Houellebecq, Jed a vraiment besoin d’en savoir plus sur William Morris, il sent que c’est directement lié à des sujets qui l’ont préoccupé toute sa vie d’artiste, et aussi au tragique destin de son père en tant qu’architecte déçu. Et ce que lui dit Houellebecq ne fait que l’en persuader davantage : les questions humaines et politiques soulevées par William Morris autour du thème de la production n’ont rien perdu de leur pertinence, bien au contraire – et même les références répétées à Jean-Pierre Pernaut n’ont pas un caractère simplement ironique.
Recueilli par Claire Moulène
Le Monde comme volonté et comme papier peint jusqu’au 2 septembre au Consortium de Dijon
{"type":"Banniere-Basse"}