Faites le plein de sommeil. Cette Nuit Blanche parisienne est un rêve qui se vit éveillé, celui du héros Poliphile.
« Hâte-toi lentement » – en suivant à la trace la ligne rose du parcours In – est l’adage de cette édition confiée à Jean de Loisy et son équipe du Palais de Tokyo. Le Songe de Poliphile, roman humaniste du 15e siècle, en est l’origine. Une version contemporaine de cette croisade a été imaginée par le romancier Yannick Haenel, Le retour des temps désirables, disponible en ligne, et dans le 20 minutes, sous forme de feuilleton. Déployé en 12 chapitres, le parcours de cette nuit parisienne retrace donc celui du « combat d’amour » de Poliphile à la recherche de Polia, depuis la gare de Lyon jusqu’à Issy-les-Moulineaux. Parcours In qui aura l’avantage de se concentrer sur les berges de la scène – désormais piétonnes côté rive droite – et de s’étendre sur l’axe – politique et géographique – du Grand Paris. C’est la nuit blanche d’un « Paris Médiéval » et d’un Paris du futur, main dans la main si l’on peut dire. Le pari artistique de Jean de Loisy s’associe à l’enjeu politique de la Mairie de Paris. Le programme Off, indépendant, se disperse davantage.
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Cela n’est un secret pour personne, il est difficile de mobiliser l’énergie nécessaire pour tout voir (133 événements), même si la programmation de cette édition fait rêver. Libre à chacun de suivre ou non, chapitre après chapitre et le long de la ligne rose, cette métaphore du désir.
Attente Gare de Lyon avec Alain Séchas et Abraham Poincheval
Au commencement, il y a les chats d’Alain Séchas. Vous pourrez apercevoir ces figures d’escorte sur le grand miroir de la salle des fresques de la Gare de Lyon. L’artiste s’est inspirée d’une gravure qui illustrait la publication originale du Songe de Poliphile.
Dehors, sur le parvis de la Gare, l’artiste Abraham Poincheval, s’est hissé en altitude sur un mat haut de quinze mètres. Le performeur aime les points de vue atypiques et le confinement, il a déjà vécu dans le ventre d’un ours empaillé du Musée de la chasse et de la nature. Perché sur une plate-forme depuis lundi, il pratique l’ascèse comme les ermites le faisaient autrefois en haut d’une colonne. Sa descente du mât marquera le coup d’envoi de la nuit blanche.
Des ballets mécanique, de Mel O’Callaghan à Bridget Polk
L’artiste australienne présentait une performance lors de la dernière édition de Do Disturb. Des performeurs faisaient balancer et coulisser indéfiniment des volumes géométriques. Going over, going under, imaginé pour la nuit blanche, reste dans la même veine. Des performeurs tirent inlassablement des cordes sur la Place Dauphine. Si l’on peut penser au mythe de Sisyphe c’est au Zarathoustra de Nietzsche que l’artiste fait référence. L’homme y est comparé à une corde et à l’action de « passer au-dessus et en dessous » des embuches de la vie.
Les sculptures totems de Bridget Polk sont précaires. Elles ne sont pas faites pour durer, et pourtant elle et son équipe s’entêtent à les reconstruire sur le port de Solferino. La règle du jeu de Balancing Rubble and Rocks ? Faire tenir en équilibre pierre, roches et parpaing jusqu’à ce que la loi de la gravité reprenne le dessus. Une installation qui tient en haleine et en suspens.
Matthew Barney, Oliver Beer et la vie aquatique
La façade de la Monnaie de Paris se transforme en écran géant pour la projection de Drawing Restraint 15 de Mattew Barney. Plus connu pour son cycle Cremaster, l’artiste américain s’est aussi mis en scène dans un cycle de seize films, réalisés sur une vingtaine d’années, où chaque situation filmée nécessite sa résistance physique. Le but est, comme son titre l’indique, d’exécuter un dessin. Dans Drawing Restraint 15, Mattew Barney se filme lors de son voyage transatlantique sur un bateau, en solitaire. Il parvient à dessiner avec le sang des poissons qu’il pêche. Point de créatures fantastiques et métamorphoses typiques de ses sculptures et de son Cremaster, ici l’artiste n’envisage pas les mutations du corps, mais ses limites.
Sous le pont des Arts, Oliver Beer, ancien résident du Palais de Tokyo et de la Watermill Foundation, fait entendre Live Stream, une captation sonore de l’écosystème de la Seine. Il mixe et superpose en direct, le son des moteurs des embarcations, des clapotis de l’eau et autres mouvements inconnus des fonds. Il s’inspire, par ailleurs, de la méthode des pêcheurs thaïlandais pour attirer leurs proies sous-marines, en projetant une lumière verte fluorescente sur la Seine. La vie aquatique version Oliver Beer.
Sur les ondes
Le programme radiophonique nomade Floating ON AIR débarque sur les ondes de Paris et à bord de ses batobus. C’est la radio BAL de l’École nationale supérieure des beaux-arts associée aux réseaux d.c.a et TRAM qui diffuse en live, sur navette et sur internet les œuvres sonores produites par les centres d’art contemporain et instituions du TRAM (Réseau art contemporain Paris / Île-de-France). Embarcadères à Hôtel de Ville, Notre-Dame, le Louvre, Saint-Germain-des-Prés, Musée d’Orsay, Champs Élysées, Tour-Eiffel et Beaugrenelle, pour entendre les œuvres de Laure Bollinger, Delphine Chapuis Schmitz, Gwendal Coulon, David De Beyter, Daniel Spoerri, le duo EVA & ADELE (bientôt exposé au Musée d’art moderne de la ville de Paris), Jef Geys, Dorothy Iannone… la liste est longue.
Réflexion électrique en OFF et jusqu’à Haïti
Autour du bassin du jardin du Petit Palais l’ONG électriciens sans frontières et son collectif d’artistes invitent à activer énergiquement des manivelles. Des brins de lumière s’éclairent en fonction de notre participation. Cette œuvre du OFF contribue à la réalisation d’un projet d’électrification d’une école Haïtienne. Pour chaque Watt heure produit par les visiteurs, 2€ seront versés pour ce projet.
Le Grand Final
C’est entre les futures gares d’Issy et du Pont-de-Sèvres que le périple s’achève. Ici, tous les éléments de la nuit blanche se rencontrent : son, architecture, design et performance. Reflet d’une métropole à construire (le Grand Paris Express), l’installation de Tobias Rehberger, Paysage vu à travers un point d’observation, est une immersion dans les lumières urbaines. Des LED et néons fluorescents dessinent des mots sur le rythme d’une musique électro de Thylacine. La nuit blanche se finit donc dans un crescendo, ne résistant pas à la tentation de l’effet feu d’artifice.
Il y a aussi le théâtre de rue de Géraldine Py et Roberto Verde à l’arrière du BHV, une performance enflammée, Speaking in Flames, de Davide Balula du haut d’un balcon des Beaux arts de Paris d’Alicja Kwade, une horloge suspendue à une grue par Alicja Kwade, ou encore une mer intérieure reconstituée par Rodrigo Braga dans le bassin qui sépare le Palais de Tokyo du Musée d’Art Moderne – et là, plutôt que de se projeter dans le Grand Paris, on plonge dans une mer remontant à 45 millions d’années.
Nuit Blanche 2016 dans la nuit du samedi 1er octobre au dimanche 2 octobre. Application mobile est téléchargeable pour le programme complet In et OFF.
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