L’orfèvre réussira-t-il à assembler les éléments ? Reportage sur le lieu des répétitions de “Passim”, la prochaine création de François Tanguy.
Une chambre noire où se développent des images. Telle est la tente sous laquelle François Tanguy et l’équipe du Théâtre du Radeau travaillent à mettre la dernière touche à leur prochaine création, Passim, présentée dans le cadre du festival Mettre en scène.
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Les images fulgurantes qui illuminent les spectacles de François Tanguy ne naissent pas d’un seul coup. Elles sont le fruit d’un long processus de maturation où l’accumulation de possibilités se réduit peu à peu pour laisser la place aux formes incomparables de son théâtre.
Au milieu de la verdure et des arbres, l’obscurité de la tente contraste avec la luminosité du monde extérieur. Sur des tables, des piles de livres éparpillées : La Jérusalem délivrée du Tasse, Le Territoire du crayon de Robert Walser, Les Mythes grecs de Robert Graves… Sur un prompteur défile un extrait de La vie est un songe de Calderón ou de La Tentation de saint Antoine de Flaubert. Certains de ces textes seront repris dans le spectacle, d’autres non.
Progressant vers l’avant-scène dans un étrange mouvement diagonal, l’actrice Laurence Chable interprète un passage de Penthésilée de Kleist, pièce dont elle jouait déjà une scène inoubliable dans Orphéon, précédent spectacle de François Tanguy. Les créations du Théâtre du Radeau communiquent les unes avec les autres par des effets de résonance. Un peu comme si l’on ouvrait des portes sur les pièces abandonnées d’une vieille demeure pour découvrir toujours d’autres espaces ; un couloir que l’on n’avait encore jamais remarqué, un panneau qui coulisse découvrant un passage secret. Ce grenier ancien à la plasticité mouvante, c’est le théâtre de François Tanguy. A l’œil nu, cela ressemble à un enchevêtrement de lignes, de plans, de surfaces coulissantes, de seuils dissimulant des arrière-fonds insoupçonnés. Une trame complexe dont les lignes de fuite révèlent parfois des perspectives inattendues.
La plasticité de l’espace est telle dans ce théâtre qu’elle semble faire corps avec le comédien. L’acteur habite autant cette scénographie active, mouvante, qu’il est habité par elle, comme s’ils formaient un tout. D’où sa capacité à apparaître et disparaître avec parfois dans le corps une curieuse raideur, comme devenu un objet que les autres acteurs vont manipuler.
Un panneau coulisse, dévoilant un cheval monté par Don Quichotte. Il cite Calderón : « Pues el delito mayor es haber nacido. » (« La plus grande faute est d’être né »). Des mots surprenants dans la bouche du héros de Cervantès, mais dont l’écho revient un peu plus tard avec la figure de Lear partageant son royaume entre ses filles.
Autant de moments fabuleux d’un spectacle en cours d’élaboration qu’interrompt parfois le metteur en scène. Tout magique qu’il soit, ce théâtre est d’abord une machinerie impliquant une somme de détails. Un travail d’orfèvre dont l’impact est d’autant plus subtil qu’il ne laisse rien voir de sa préparation. « Nous faisons des raccords, explique François Tanguy d’une voix calme aux quelques personnes qui assistent à la répétition. Ce n’est pas un spectacle. On ne peut même pas décrire ce qui se passe. Il n’y a rien à décrire. » Rendez-vous à la première à Rennes.
Passim du 7 au 16 novembre, au TNB, www.t-n-b.fr
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