Dernière création d’Olivier Py en tant que directeur du Festival, “Ma jeunesse exaltée” illustre un passage de relais poétique, politique et même un peu mystique. Loin d’être triste, ce chant du cygne a des accents provocateurs de carnaval et propose une relecture du personnage d’Arlequin, comme métaphore du théâtre.
Arlequin aux mille couleurs, Arlequin le farceur, Arlequin le visage des possibles. L’évidence de ce personnage dans le théâtre d’Olivier Py saute aux yeux dès la première cabriole. Il incarne tout ce que le directeur du festival aime insuffler à ses pièces. Un esprit baroque, toujours mobile, métaphore de la vie créative et du théâtre de tréteau.
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Dans cette nouvelle création, Olivier Py renoue avec ses fondamentaux. Une pièce fleuve de dix heures en forme d’épopée qui déroule une intrigue très méta-théâtrale. Impossible de ne pas y voir l’écho, toujours rugissant, de La Servante. Créée, avec le même décor et la même structure narrative, 27 ans plus tôt au gymnase Aubanel, Py n’était pas encore directeur. C’est dire si ça date…
Ainsi on retrouve dans Ma jeunesse exaltée quatre actes, quatre grands enjeux pour défaire le capitalisme et susciter un réveil spirituel : la poésie, la religion, la politique et la mort. Chacun d’eux est centré sur un des quatre jeunes personnages principaux Octave (Émilien Diard-Detoeuf), Esther (Pauline Deshons), Alex (Eva Rami) et Cosme (Geert Van Herwijnen). Pour les fédérer, un Arlequin exultant (Bertrand de Roffignac) et un canular filé qui met à bas les institutions une à une. Face à eux, les “pantalons”, cinq acteurs plus… mûrs qui campent les figures toutes puissantes et corrompues du pouvoir et Alcandre, un vieux poète (Xavier Gallais) qui, en son temps, incarnait Arlequin. La confrontation est totale et Olivier Py voulait faire de sa pièce “un manuel pour se débarrasser des vieux cons, moi compris”. Pour autant, il s’agit aussi d’un passage de relais, un encouragement à faire mieux que leurs aînés comme le suggère la complicité amoureuse d’Arlequin et d’Alcandre.
La farce carnavalesque comme testament
Ma jeunesse exaltée est sans aucun doute la fantastique héritière du théâtre carnavalesque dans tout ce qu’il a de plus explosif. Les dix heures passent comme une bourrasque et on peut pardonner de rares longueurs, un monologue sans fin d’Alcandre notamment, face au dynamisme survitaminé de cette épopée. L’énergie de Bertrand de Roffignac en particulier laisse sans voix quand on sait qu’il passe dix heures par jour à sauter, hurler et faire la roue sans discontinuer.
Par ailleurs, avec cette pièce, Olivier Py livre un testament poétique, sa chasse spirituelle à lui. Il sait bien qu’on lui reproche des pièces “très longues et trop verbeuses” comme se moque Arlequin au IVe acte. Il déplore le jargon culturel new-age de certains de ses contemporains branchés (les Pantalons dans la pièce) : le “spectacle vivant”, les “happening inclusifs”, les “pièces sans texte, sans décor et sans acteurs”. Au contraire, il défend son théâtre : l’amour du texte, le théâtre populaire dans ce qu’il peut avoir de grossier et de ringard, l’humour contre le pouvoir des puissants.
Comme le persifle la tragédienne (Céline Chéenne), “le désespoir n’excuse pas la mauvaise poésie ”. En revanche, le bon théâtre rend une fin de mandat plus douce.
Ma jeunesse exaltée, d’Olivier Py jusqu’au 15 juillet au Gymnase du lycée Aubanel
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