Troisième trafic mondial après les armes et la drogue, le commerce illégal d’œuvres d’art est un fléau difficile à combattre. De la Syrie aux salons feutrés des grandes capitales, une enquête démêle les fils de cet écheveau criminel.
Réalisé par Tania Rakhmanova avec la collaboration du journaliste Emmanuel Fansten, Trafic d’art, le grand marchandage s’attaque à un sujet d’une ampleur considérable – le documentaire nous apprenant d’emblée que le trafic d’œuvres d’art (en particulier d’art antique) génère plusieurs milliards d’euros par an et représente le troisième trafic le plus important, après les trafics d’armes et de drogues.
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Avec de telles sommes en jeu, l’on comprend aisément que ce phénomène, vieux comme les conquêtes de territoires et les pillages de sites archéologiques, perdure depuis tant de temps et joue un rôle de premier plan sur l’échiquier géopolitique. L’actualité récente en offre un exemple spectaculaire à travers les saccages de trésors patrimoniaux mis en scène avec complaisance par l’Etat islamique, fortement soupçonné de se financer en partie grâce à la revente clandestine d’œuvres volées.
S’il est le plus médiatisé, l’EI n’est pourtant pas, loin s’en faut, le seul trafic incriminé. Ayant procédé à une enquête en profondeur, riche en témoignages divers (juges, marchands d’art, responsables politiques, policiers…), les auteurs s’emploient à faire la lumière sur un commerce singulièrement opaque, dans lequel sont impliqués de nombreux intermédiaires et sur lequel beaucoup préfèrent, aujourd’hui encore, fermer les yeux…
Genève, plaque tournante
Ils mettent notamment au jour la principale zone d’ombre du marché de l’art, à savoir le système des ports francs, en particulier celui de Genève. Conçus à l’origine pour servir à stocker des marchandises sans acquitter de droits de douane, les ports francs ont été détournés de leur usage par marchands d’art et collectionneurs pour y entreposer des œuvres à l’abri des regards indiscrets, jusqu’à devenir de véritables plaques tournantes du trafic d’antiquités.
Si le temps de l’impunité absolue semble à présent révolu, sous l’effet d’actions entreprises par des pays tels que la Chine et l’Italie pour récupérer les biens spoliés, la communauté internationale doit encore accomplir un long chemin pour parvenir à un véritable encadrement juridique du marché de l’art au niveau mondial.
Certes, il existe déjà des textes – convention Unesco adoptée en 1970 et convention Unidroit adoptée en 1995 – règlementant le commerce d’œuvres d’art et imposant leur restitution en cas d’appropriation illégale mais ces textes, peu ou pas appliqués dans les faits, s’apparentent pour le moment surtout à des vœux pieux.
Trafic d’art – Le grand marchandage de Tania Rakhmanova et Emmanuel Fansten. Sur Arte mardi 6 septembre à 20h55
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