Il n’y a pas de petites révolutions. Mais, dans une maison comme l’Opéra de Paris, certaines annonces font l’effet d’une quasi-insurrection. Ainsi, la direction du Ballet, aujourd’hui sous la houlette d’une ex-étoile, José Martinez, vient de mettre les pieds dans le plat.
En effet, le concours annuel permettant à un interprète de la compagnie de gravir les échelons jusqu’au titre de premier danseur ou première danseuse s’assouplit. Pour ce dernier poste, grade ultime avant d’être un jour, qui sait, étoile, c’est par une décision du directeur que la nomination aura lieu. Et non plus à l’issue du concours. Autant dire un contrôle continu sur une saison entière et non plus un jugement sur une seule prestation.
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Un élitisme d’une autre époque
Le communiqué précise bien que la décision a été prise au terme d’échanges avec les danseur·ses, la direction et… les organisations syndicales. Mais en quoi consiste ce concours d’une autre époque ? Le jour J, les femmes un jour, les hommes un second, ont droit à deux passages, une variation imposée, l’autre libre. En coulisses, c’est une autre paire de manches. Cinq semaines avec un coach tôt le matin ou tard le soir, tout en assurant répétitions et représentations normales, du stress, de la fatigue et, au final, cinq minutes pour convaincre un jury.
En cas d’échec, le ou la soliste peut rester dans l’ombre du corps de ballet, avec des rôles peu gratifiants. À l’époque de son – court – passage à la tête de l’institution, Benjamin Millepied n’avait pas eu de mots assez durs, fustigeant l’idée d’un classement. “On parle ici d’art, pas de sport.” Le concours n’est pas abandonné cela dit, comme un vestige d’un autre temps, dont l’Opéra de Paris serait seul garant.
Mais il prend en compte une trajectoire, plus seulement une épreuve. On se souvient d’une danseuse magnifique, Letizia Galloni, dont chacun des concours s’avérait problématique. Elle a préféré depuis voir d’autres horizons, soliste invitée du Tanztheater Wuppertal emmené par Boris Charmatz. Le Ballet de l’Opéra de Paris, après avoir abordé les questions de diversité – et nommé un danseur étoile racisé, Guillaume Diop, en 2023 –, fait un pas de plus vers le XXIe siècle.
Édito initialement paru dans la newsletter arts et scènes du 23 octobre 2023. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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