Enfin dévoilé au public, l’onde magnétique de la chorégraphe franco-algérienne déploie des sortilèges inconnus.
“Je crois qu’un artiste pourrait se consacrer à une seule pièce toute sa vie car elle est à ce point perfectible. Ce serait le plus juste.” Ces mots de Nacera Belaza résonnent en nous comme autant de fils tendus à chacune de ses créations. Pourtant Nacera Belaza amplifie, augmente son ouvrage. Ainsi Le Cercle (2018) ou, plus tôt, Le Cri (2008) – et son désir d’infini – irriguent L’Onde. Quintet aux formes mouvantes, du solo à l’unisson, L’Onde est autant une réflexion sur l’espace mis en lumière que sur le corps. Ce dernier est pris dans un ressac, pieds ancrés dans le sol, bassin comme animé d’une force propre.
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Belaza parle de résonance entre les interprètes. “Le travail d’une vie concentré en quelques mois de création.” Surtout, elle refuse la démonstration, lui préférant l’indicible. Il y a ce que l’on voit et tout autant ce que l’on croit voir. Des bras comme des lucioles, ce feu improvisé – et imaginaire – du groupe de danseur·euses au premier plan, des gestes avalés par le clair-obscur du théâtre.
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Nacera Belaza signe elle-même les lumières de la pièce. Un carré pâle, des traces au sol. Il serait facile d’évoquer la transe, si prisée des chorégraphes. On préférera parler d’états de corps. Ils sont comme à l’abandon ou animés d’une force répétitive. Des lignes de crête se dessinent, puis des figures reconnaissables, comme la ronde. Nacera Belaza aime à citer l’espace intérieur et l’autre extérieur, nommé “le second corps”.
Excès de beauté
La chorégraphe les habite à sa manière, par ces motifs épurés, cette langue gestuelle minimaliste. Elle s’inscrit en quelque sorte dans une filiation qui, d’Isadora Duncan à Lucinda Childs, conte une autre histoire de la danse. L’Onde s’accorde avec nos vies actuelles, confinées un temps durant, sans s’appesantir dans le commentaire.
Depuis ses débuts, Nacera Belaza calligraphie sa danse d’un trait mince, le plus souvent en solo ou en duo (avec sa sœur Dalila). Ici, elle s’entoure de quatre interprètes épanoui·es, Aurélie Berland, une fidèle, Mohammed Ech Charquaouy (ou Mélodie Lasselin pour les représentations à venir), Bethany Emmerson et Magdalena Hylak. Se crée entre eux·elles le mystère de la représentation. Être à la fois ensemble et néanmoins unique. On imagine ce travail de l’ombre en amont de la création, les directives de Nacera Belaza et la liberté qu’elle accorde aux solistes.
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Le temps même se dilue sur le plateau, L’Onde ne dure que cinquante minutes qui paraissent, c’est selon, beaucoup moins ou beaucoup plus. La bande-son, enfin, est riche d’une autre matière, des voix de femmes, des percussions, des souffles. Jusqu’à cette onde traversant les murs. Lors de cette représentation, le 22 mai à la MC93 de Bobigny, un silence recueilli accompagna la fin de L’Onde. Comme si le public transi digérait cet excès de beauté. Aux saluts, Nacera Beleza et ses camarades de route revenu·es à la lumière paraissaient sonné·es. Cette onde magnétique porte en elle la vie.
L’Onde de et avec Nacera Belaza, et Aurélie Berland, Mélodie Lasselin, Bethany Emmerson et Magdalena Hylak. Du 3 au 7 juillet, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts (La Raffinerie), Molenbeek-Saint-Jean. Le 23 septembre, L’échangeur – CDCN, Château-Thierry. Les 13 et 14 novembre, dans le cadre du Romaeuropafestival (Teatro India – Teatro di Roma), Rome. Le 15 décembre, L’Arsenal – La Cité musicale, Metz
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