Dans une exposition très visuelle malgré son sujet littéraire, le Petit Palais retrace la vie fascinante de ce dandy irrévérencieux dans l’Angleterre victorienne, de la gloire à la chute.
Regard malicieux et look invraisemblable, le portrait d’Oscar Wilde trône en majesté dans les allées du Petit Palais. Après un rappel chronologique sur le mur d’entrée, on pénètre dans une salle assombrie par les murs bleu foncé, mais illuminée par des trésors : des portraits des proches d’Oscar Wilde pendant ses années d’apprentissage et au début de sa carrière, de ses muses (les actrices Lillie Langtry et Sarah Bernhardt) à ses mentors (John Ruskin et William Morris).
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Peint par John Singer Sargent, le tableau qui représente l’actrice Ellen Terry en lady Macbeth ensorcelle. On s’attarde sur des lettres adressées à ses parents où le jeune Oscar dessine ce qu’il décrit. Dans un fascinant carnet, sur une double page manuscrite, il répond à l’âge de 23 ans à un questionnaire sur ses goûts où on l’apprend que son idéal de beauté est le saint Sébastien de Guido Reni, un tableau justement exposé au centre de la salle.
Installé à Londres après des études brillantes au Trinity College de Dublin, où il est né en 1854, et à l’université d’Oxford, Oscar Wilde se fait rapidement remarquer grâce à ses poèmes et ses critiques d’art. En 1877, il commente l’exposition de la Grosvenor Gallery, à Londres, composée notamment de tableaux préraphaélites.
Le Petit Palais a eu l’excellente idée de réunir certaines de ces œuvres et d’accompagner chacune par des propos d’Oscar Wilde : il admire Orphée et Eurydice de Watts, ainsi qu’Electre sur la tombe d’Agamemnon et La Nuit et le Sommeil portant le corps blessé de Sarpédon, tous deux signés par William Blake Richmond. Il se veut plus nuancé devant les couleurs luxuriantes de L’Amour et la Jeune Fille de Stanhope – il aurait préféré que la jeune fille soit « simplement vêtue de blanc ».
Esthète et dandy
Dans la salle suivante, il emmène sa réputation d’esthète, son esprit piquant et ses aphorismes dévastateurs pour un voyage en Amérique où il donne une série de conférences en 1882. Sous l’objectif de Napoleon Sarony, il pose en parfait dandy et consolide son image : ces photos restent les plus connues de l’écrivain.
On traverse ensuite une salle de transition sur sa vie à Paris (où il rencontre Victor Hugo, Verlaine, Mallarmé…) et à Londres entre 1883 et 1889. Un mur entier accueille une œuvre immense de Toulouse-Lautrec, La Danse mauresque, où Oscar Wilde est représenté parmi les spectateurs. En 1884, Oscar Wilde épouse Constance Lloyd et cette union donne rapidement naissance à deux fils. Les vitrines montrent ses publications du moment : plusieurs pièces de théâtre, le recueil de contes Le Prince heureux illustré par Walter Crane, ou encore l’essai Le Déclin du mensonge.
Cette créativité atteint son apogée dans la salle suivante Entre 1890 et 1895, il publie une ribambelle de pièces aux dialogues pétillants (L’Importance d’être constant, L’Eventail de lady Windermere…) et son unique roman, Le Portrait de Dorian Gray. On entend la voix de Rupert Everett en lire des extraits dans un français impressionnant. Pour mettre en images ces années littéraires, des caricatures signées Max Beerbohm côtoient des exemplaires dédicacés et une projection de l’adaptation de Dorian par Albert Lewin.
Le procès et la chûte
C’est aussi pendant cette période triomphale qu’il rencontre Alfred Douglas, qui devient son amant. Plusieurs photos des deux hommes sont exposées, ainsi qu’une lettre passionnée d’Oscar, qui se retournera plus tard contre lui lors de son procès.
Après une pièce entièrement dédiée à la pièce de théâtre Salomé (1893), illustrée entre autres par les sublimes estampes d’Aubrey Beardsley, on découvre la dernière salle : le procès, la prison et l’exil. On peut y voir les mots insultants sur la carte de visite du marquis de Queensberry, père d’Alfred Douglas. Ce morceau de papier agressif pousse l’écrivain à attaquer en diffamation le père de son amant. Cette pièce à conviction n’aura pas l’effet escompté : Oscar est condamné à deux ans de travaux forcés.
Un témoignage vidéo de Robert Badinter vient décrypter ce procès. Une vitrine dévoile un témoignage aussi précieux que poignant : une lettre qu’Oscar écrit à Alfred Douglas sur du papier bleu de la prison de Reading, publiée plus tard sous le titre De Profundis. En 1897, il sort de prison humilié, affaibli, en faillite. Il ne reverra plus sa femme et ses enfants, qui ont changé de patronyme. Il s’exile en France sous un pseudonyme et rédige un long poème sur ces deux années éprouvantes, La Ballade de la geôle de Reading.
On observe les dernières photos de lui, prises à Rome en 1900 – quelques mois plus tard, il meurt à Paris des suites d’une méningite. Le dernier mur avant la sortie comporte des esquisses de son tombeau par Jacob Epstein. Le résultat est à découvrir au Père-Lachaise, terre d’accueil de ce grand francophile auquel le Petit Palais rend enfin un hommage à sa (dé)mesure.
Oscar Wilde, l’impertinent absolu – jusqu’au 15 janvier à Paris au Petit Palais
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