Avec des spectacles où chacun s’empare de l’humour comme d’une arme pour résister, le festival Théâtre en mai propose en ouverture trois façons d’en rire sans mourir idiot.
Parrain du festival Théâtre en mai de Dijon, François Tanguy et sa troupe du Théâtre du radeau reprennent Soubresaut. Les acteurs font leurs entrées par un drôle de toboggan. L’angle de cette trajectoire nous ramène à un tableau peint en 1533 par Hans Holbein. Dans Les Ambassadeurs, une tache de peinture traverse la toile en diagonale comme une énigme. Il s’agit d’une anamorphose, celle d’un crâne humain qui ne se dévoile que dans un regard rasant aux yeux de l’observateur.
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Rappel amusé de cette menace, le toboggan de Soubresaut fait office d’anamorphose et n’a d’autre usage que nous transformer en modernes ambassadeurs pour nous rappeler la nécessité des batailles politiques à mener. Se jouant avec humour de l’éphémère du théâtre, le tableau vivant proposé par François Tanguy est un concentré d’émotions qui mise sur sa force de dispersion. Chaque spectateur devenant le porteur de ces images inoubliables, les voici démultipliées au sortir de la salle comme autant de grains de sable capables d’enrayer la machine du monde.
Comique dévastateur
C’est un hallucinant voyage au pays des fictions que nous propose Pauline Ringeade dans Fkrzictions-La pièce. Librement inspirée des nouvelles du Russe Sigismund Krzyzanowski et de l’auteur français de bande dessinée Marc-Antoine Mathieu, le spectacle ludique de bout en bout commence par nous projeter dans la sombre utopie d’un huis clos où l’on partage une chambre à trois pour se conformer à la règle des huit heures de sommeil et des seize heures de travail qui régissent la vie de chacun dans ce monde. Mêlant la chorégraphie à de multiples références au théâtre (Kafka, Beckett et Kantor pour ne citer qu’eux), l’exercice de style s’amuse au final à briser avec humour le quatrième mur pour chuter sur le happy end vertigineux d’une mise en boucle au comique dévastateur.
Avec La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable, Céline Champinot nous plonge dans l’univers d’un comic strip délirant revisitant l’Ancien Testament. Sous les traits d’une bande de scouts ayant construit leur camp de base sur une aire de jeux pour enfants, cinq jeunes actrices questionnent Dieu à cette heure critique où la planète Terre est agonisante. L’humour des Monty Python côtoie le charme du chant des chorales et nos héroïnes se transforment en croisés puis en super-héros pour mener à bien leur mission. Cette drolatique manière de tirer le signal d’alarme s’est achevée sous les ovations d’un public conquis.
Patrick Sourd
Théâtre en mai à Dijon jusqu’au 3 juin.
Soubresaut par le théâtre du Radeau, mise en scène et scénographie François Tanguy, salle Jacques Fornier, jusqu’au 29 mai.
Fkrzictions-La pièce librement adapté de Sigismund Krzyzanowski et marc-Antoine Mathieu, adaptation et mise en scène Pauline Ringeade, Théâtre Mansart, jusqu’au 28 mai.
La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable texte et mise en scène Céline Champinot, Parvis Saint-Jean, jusqu’au 28 mai et en tournée jusqu’au 28 mars 2019.
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