Figure majeure du théâtre français, le metteur en scène Jean-Pierre Vincent est mort ce 4 novembre à 78 ans.
Atteint du Covid-19 au printemps dernier, Jean-Pierre Vincent était très affaibli par les séquelles dont il souffrait depuis. Il avait dû arrêter les répétitions d’Antigone de Sophocle qu’il devait créer au TNS de Strasbourg cette saison.
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Son parcours dessine en filigrane celui du théâtre décentralisé. Tout commence au lycée Louis-le-Grand où il participe au groupe théâtral du lycée avec Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau. Il signe sa première mise en scène, La Cruche cassée de Kleist, en 1963. Dès 1968, il suit le dramaturge Jean-Pierre Jourdheuil pour se consacrer à la mise en scène de textes embrassant des questions sociétales (comme Germinal ou Le Palais de Justice) et travaille également à retisser les liens du TNS avec les collectivités locales et nationales.
A la Comédie-Française, il tient trois ans comme administrateur général, de 1983 à 1986 et quitte un poste qu’il juge « le plus difficile de France après Matignon ».
C’est à Nanterre-Amandiers qu’on le retrouve en 1990 où il succède à Patrice Chéreau, jusqu’en 2000. Il y convie alors Stanislas Nordey en résidence avec sa troupe durant trois ans. Depuis 2001, Jean-Pierre Vincent créait des spectacles au sein de sa compagnie Studio Libre, fondée avec l’auteur Bernard Chartreux.
Jean-Pierre Vincent est parti cette nuit. Avec lui disparait un grand Monsieur du théâtre français, quelqu’un qui a toujours été attentif à transmettre et qui a accompagné la route de nombre d’entre nous de son regard exigeant et curieux…
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— MC93 (@MC93Bobigny) November 5, 2020
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L’art du partage
Mais Jean-Pierre Vincent était aussi un formateur passionné, au Conservatoire national d’art dramatique de Paris ou à l’Ecole régionale d’acteurs de Cannes. Nous l’avions rencontré en 2015 à l’occasion du festival Théâtre en Mai de Dijon dirigé par Benoît Lambert. Parrain de cette édition, nous lui avions demandé ce que représentait pour lui ce rôle. Sa réponse fut limpide : « Cela ajoute une marche de plus à un travail que je fais depuis longtemps. Dès l’âge de 30 ans, j’ai commencé à me retourner pour voir ce qui se passait et apporter mon soutien à ceux qui venaient derrière. Je n’aime pas les mots ‘enseigner’, ‘former’, pas plus que ‘transmettre’, qui est la version noble de cette attitude-là. Mais je me suis toujours appliqué à partager tout ce que je suis et tout ce que je sais avec des plus jeunes que moi. Pour moi, être le parrain de ce festival sera l’occasion de faire un état des lieux d’une jeune création qui s’annonce très diverse artistiquement. Se confronter à ce panorama de l’émergence est dans le droit-fil de mon parcours personnel. »
L’articulation entre le théâtre et la politique aura toujours été le fer de lance de son activité et lorsqu’on lui demandait au cours cet entretien comment évoquer cette question avec la nouvelle génération, il répondait catégoriquement : « Des rapports prédisent que 45 % des emplois vont être supprimés en Europe dans les vingt-cinq prochaines années. Je pense que ce ne sera pas le cas dans le théâtre. Parce que, à condition de se révolter, on peut en faire dans tellement de conditions différentes que venir à bout du théâtre est quasiment impossible. Je suis de ceux qui se battent chaque jour pour ne pas perdre un centime de ce qui nous a été confié par la République, celle de Malraux et de De Gaulle, celle de Lang et de Mitterrand, et je sais qu’on ne lâchera jamais le morceau. Je sais aussi qu’on trouve toujours des solutions : les Grecs nous le prouvent chaque jour, les Hongrois aussi. C’est navrant d’être réduit à devenir des bandes de rats dans des caves. Mais nous le ferons si besoin est. »
Des paroles qui font aujourd’hui office de feuille de route et s’accordent si bien à sa volonté de monter alors à Théâtre à Mai En attendant Godot de Beckett « afin que chacune et chacun puisse réfléchir à ce que nous ne nommons plus assez notre destin, mais qui nous pend au nez… »
Sur Twitter, le monde du théâtre lui a rendu hommage :
Toute l'équipe de La Scala Paris partage avec les proches de Jean-Pierre Vincent la tristesse de sa disparition. Il fut pour plusieurs d'entre nous un compagnon inspirant, l'archétype de l'exigence. @LLG75005@ComedieFr @TNS_TheatrStras
[photo cojot-goldberg] pic.twitter.com/6wD4yIEEqn— Le Projet Scala (@Projet_Scala) November 5, 2020
C'est avec beaucoup de tristesse que le Festival apprend le décès de Jean-Pierre Vincent.
Dès 1988, le Festival invitait le metteur en scène à présenter "Le Faiseur de théâtre", avant de le retrouver en 1993 pour "Woyzeck" et en 2009 pour "Paroles d'acteurs / Meeting Massera". https://t.co/aYsxpBCSea— Festival d'Automne (@FESTIVALAUTOMNE) November 5, 2020
La disparition de Jean-Pierre Vincent me bouleverse. Ensemble, nous étions guidés par une très belle et très forte complicité, et partagions une vision commune des lettres, du théâtre et des arts : https://t.co/swfTYK7dmB
— Jack Lang (@jack_lang) November 5, 2020
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