Mikhail Baryshnikov met ses pas dans ceux de Nijinski. Un hommage tout en élégance.
Mikhail Baryshnikov a plus d’une fois approché le mythe Nijinski, allant même jusqu’à rencontrer sa veuve Romola. Elle lui suggéra de reprendre Till l’Espiègle, pièce inachevée de son aîné, sans qu’il ne puisse donner suite. L’une des propositions les plus intrigantes restera celle d’Ingmar Bergman projetant un film autour du plus grand danseur des Ballets russes.
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On lui avait soufflé le nom de “Misha”. Au même moment, un long métrage plus hollywoodien allait voir le jour, réalisé par Herbert Ross (Nijinski, 1980). C’en était fini du projet du maître suédois.
Depuis, Mikhail Baryshnikov s’est inventé une autre vie de danseur, entre Broadway et la modern dance, jouant au cinéma ou à la télévision américaine. Surtout, il osera le grand écart entre Sex and the City (il y apparaît comme l’amant russe de Carrie Bradshaw…) et Bob Wilson. Après The Old Woman, où il partageait l’affiche avec Willem Dafoe, Baryshnikov se laisse de nouveau bousculer par Wilson.
Masque blanc
Il retrouve Vaslav Nijinski également. Le soliste et chorégraphe qui a profondément bouleversé la danse au XXe siècle a laissé peu de traces de son œuvre mais son empreinte sur l’art est unique. En 1919, il écrit ses Journaux en six semaines. Une prose hallucinée et prenante. Puis Nijinski sombre peu à peu dans la folie.
Avec Letter to a Man, véritable tour de force où Baryshnikov ne quitte presque pas le plateau, la boucle est bouclée. Les mots se bousculent, enregistrés – on reconnaît même la voix de Lucinda Childs. Des tableaux très wilsoniens s’enchaînent tandis que sont évoqués Dieu et l’enfance, des cocottes et la masturbation.
Baryshnikov, masque blanc, se faufile dans des décors comme des castelets, esquisse quelques pas de danse mais ne singe jamais les sauts de Nijinski ou la gestuelle inspirée de la statuaire antique que ce dernier découvrit au Louvre. Il emporte le spectateur ailleurs et le perd plus d’une fois. Wilson ne le ménage pas et on se rêve à voir les coulisses du spectacle tant la précision requise s’accompagne sans doute d’un travail de l’ombre fascinant.
Silhouette impeccable
Il y a des visions sidérantes, comme ce passage au pied d’un vitrail ou cette projection d’une immensité de glace. La silhouette impeccable de Baryshnikov se glisse dans un smoking et tout autant dans ces visions. “On m’a dit que j’étais fou. Je croyais que j’étais vivant. Ma Folie c’est l’amour de l’humanité”, écrira Nijinski.
L’homme dont il est question dans la lettre, c’est le mentor Serge de Diaghilev, à l’origine des Ballets russes. Nijinski avait le talent, Diaghilev l’entregent. Ils étaient faits pour se rencontrer et se déchirer. Dans ce numéro de magicien-danseur, Baryshnikov reste lui-même. C’est beaucoup.
Letter to a Man mise en scène Robert Wilson, avec Mikhail Baryshnikov, du 15 décembre au 21 janvier à l’Espace Cardin/Théâtre de la Ville hors les murs Paris VIIIe
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