La rétrospective Gonzalez-Foerster, l’expo-manifeste Co-Workers, le One more time de Christian Bernard au Mamco à Genève… Autant d’expos à avoir marqué 2015.
1. Dominique Gonzalez-Foerster (Centre Pompidou)
Dans les chambres et autres “espèces d’espaces” inventés par Dominique Gonzalez-Foerster de sa rétrospective au Centre Pompidou, il y a beaucoup de personnages : fictifs ou historiques, littéraires ou cinématographiques, en creux ou en hologramme, performés par l’artiste ou les spectateurs de cette expo-labyrinthe. C’est dire si le personnage a gagné en plasticité et apparaît dans tous les états : avatar dépressif chez Ed Atkins ou David Douard, gentiment démembré chez Sarah Tritz à la Fondation Ricard, tandis que chez Pauline Bastard au Collège des Bernardins, un certain Alex entièrement fictif se donne les allures de la réalité. Enfin, dans Providence d’Olivier Cadiot, paru début 2015, le personnage fait son come-back en colère, s’en prend rageusement à l’auteur et lui reproche de l’avoir lâchement abandonné. Rien à dire, le personnage est à nouveau en forme(s).
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2. Co-Workers – Le réseau comme artiste (musée d’Art moderne de la Ville de Paris)
“Génération Bataclan”, titrait Libération deux jours après les attentats de Paris. Ces dernières années, on était arrivés au bout de l’alphabet pour désigner ces générations Y ou Z, nées entre 1980 et 1995. Mais la tuerie de Charlie Hebdo en janvier (qui, en tuant Cabu, tuait les ex-fans de Récré A2, marqueur générationnel s’il en est) et les attentats dans l’est parisien ont remis à l’ordre du jour la question de la génération. Qui, dans l’art, se sera manifestée par une mainmise des digital natives. De New York, avec une triennale orchestrée par Ryan Trecartin au New Museum, à Paris, où le musée d’Art moderne accueillait Co-Workers, expo-manifeste portée par la “génération DIS”, comme la qualifia Artforum se référant au collectif new-yorkais, et un paysage artistique hybride et surconnecté, où les espaces d’exposition se font hubs, inspirés par les zones de transit d’aéroport ou les Apple Store. Magazine, plate-forme événementielle et banque d’images, DIS Magazine est comme son lectorat, réinventant des formes de collectivité ponctuelles qui subvertissent avec humour et légèreté genres et identités.
3. One More Time. L’Exposition de nos expositions (Mamco)
“One more time”. Ou l’adieu sans fin d’un maître de l’accrochage, Christian Bernard, à son musée rêvé, le Mamco à Genève, trésor d’inventivité où l’exposition, plus que nulle part ailleurs, s’affirme comme un art à part entière. Soit une “exposition d’expositions”, conçue comme un palimpseste qui ravivait la mémoire des épisodes cultes de ce musée singulier créé
en 1994 : de (Duchampiana) 1 et 2 à La Vie dans les plis ou Le Partage de minuit. Or, le musée comme hétérotopie était aussi au cœur de quelques-unes des meilleures expos de l’année : du reenactment grandiose du Musée d’Art moderne/Département des aigles de Marcel Broodthaers à la Monnaie de Paris, initialement créée en 1968 et dont l’artiste et poète belge était le seul conservateur en chef, au jubilatoire Musée des erreurs peuplé de choses bizarres, mises en espace par l’érudit Pierre Leguillon (une rétrospective des images imprimées de Diane Arbus entre 1960 et 1971, un hommage à un potier fou du Mississippi, ou des collections de cartes postales). Où il était question de rendre hommage aux exercices imposés par l’art muséographique : le display, le all-over ou l’accrochage tapisserie. A Sérignan, Francisco Tropa ouvrait son musée imaginaire, sanctuaire d’une fausse expédition archéologique, qui résonnait tristement avec l’actualité et le pillage par les vandales de Daech du musée de Mossoul ou de la cité antique de Palmyre.
4. Korakrit Arunanondchai (Palais de Tokyo)
Tonitruante déflagration que l’expo de Korakrit Arunanondchai au Palais de Tokyo cet été, où l’on se prenait en pleine face la vivacité d’une jeune scène cosmopolite, celle qui vit et travaille partout mais surtout sur internet. A moins de 30 ans, ce Thaïlandais de New York concevait son expo-capsule comme un accélérateur de particules d’où la matière ressortait réinventée. Un melting-pot (de-peinture) emboîtant le pas du philosophe Jean-Luc Lyotard, qui se fendait d’un “La matière n’est plus ce qu’elle était” lors de l’expo Les Immatériaux en 1985. L’année, ouverte avec l’écosystème joyeusement bordélique d’Emmanuelle Lainé, constitué de résidus glanés dans les supermarchés, a basculé dans l’inquiétante étrangeté des techno-alchimies organiques d’Anicka Yi à la Kunsthalle de Bâle. A l’automne, place au Jardin synthétique à l’isolement d’Antoine Catala au MAC Lyon, panorama végétal parsemé de plantes artificielles, d’écrans et de rochers. Nulle surprise alors que l’un des auteurs que l’on aura le plus lu cette année ait été Bruno Latour, chantre des “objets hybrides”.
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