Lauréate du prix Tremplin Jeunes Talents au dernier festival Planches Contact de Deauville, la Roumaine expose à Paris “Yggdrasil”, une saisissante série qui mélange photographie noir et blanc, fusain et land art.
Photographier pour capturer le réel, dessiner pour libérer l’imaginaire. Attribuée à Dana Cojbuc par sa galeriste, la formule paraîtrait convenue si elle ne faisait pas tant corps avec la série que présente la photographe à Echo 119 (Paris).
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Yggdrasil est le fruit d’une résidence sur une petite île de Norvège. Inspirée par les forêts qui bordent le monastère où elle séjourne, Cojbuc tourne le dos à la mer et invente son terrain d’exploration artistique. Ses interventions dans le réel se font d’abord in situ – au fil de ses promenades, la photographe se fraye un chemin, redresse les branchages malmenés par les vents et crée une forme de land art qu’elle immortalise en noir et blanc. Ramenés à la vie dans des “Paysages inventés”, petites photographies platines, ces arbres inventent une chorégraphie de branches fragiles mais frondeuses, deviennent des petites offrandes païennes, zèbrent un ciel chargé ou une mer étale.
Il y a ensuite l’irruption du fusain dans des tirages plus grands, îlots flottants au milieu du papier blanc, qui captent une architecture intriquée de troncs secs, feuillage et mousse. La main prolonge le travail de la nature, le dessin se fond avec les bords du cadre, la forêt redevient vivante (le titre de l’exposition, du nom de l’arbre-monde de la mythologie norvégienne, prend ici tout son sens). On ne sait jamais vraiment où commence le rêve et on cherche par réflexe le “coup de crayon” de l’artiste, avant de s’abandonner aux panoramas sculptés, mille lignes de fuite qui réinventent la perspective.
Réensauvagement
Dans sa série Conte d’hiver, en 2019, Dana Cojbuc avait déjà expérimenté avec le dessin, faisant surgir des fleurs de couleur dans les paysages enneigés de sa Roumanie natale. C’est dans la continuité de ce geste qu’Yggdrasil nous saisit. Dans ce corpus, dessin et photographie dialoguent à égalité pour ne former qu’un, et au travers de ces deux médiums s’épanouit une pratique à la puissance singulière.
S’il fallait finir de s’en convaincre, on s’attardera encore devant l’œuvre qui nous accueille à l’entrée de la galerie où, portée par un trait de charbon franc, la branche court et déborde de la photographie au papier, du papier au pan de mur, réensauvagement ultime.
Yggdrasil de Dana Cojbuc, jusqu’au 11 mars à la galerie Echo119, Paris.
Également présente au sein de l’exposition collective La photographie à tout prix, jusqu’au 12 mars à la BnF François-Mitterrand, Paris.
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