Jusqu’au 12 octobre, l’étonnant centre commercial Polygone Riviera situé à Cagnes-Sur-Mer accueille l’exposition « Des Mesures » de l’artiste dijonnais Lilian Bourgeat. Une manifestation répondant pleinement à l’ambition de ce « shopping mall » d’un nouveau genre, réinscrivant depuis 2015 l’art et la culture au centre de l’expérience commerciale.
19 juin 2018. Un soleil de plomb terrasse les habitants de Cagnes-Sur-Mer, petite ville du littoral méditerranéen située près de Nice. Dans cette région, le rayonnement et l’émulation culturelle sont incontestés tant les manifestions artistiques et les centres d’art sont en nombre. La Fondation Maeght, la Villa Arson ou encore le Musée d’art Naïf Anatole Jakovsky, sont autant d’institutions participant à insuffler cette dynamique.
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C’est dans cette petite enclave que le centre commercial à ciel ouvert Polygone Riviera s’est installé en 2015, sur un ancien terrain vague. À l’initiative de ce projet, le groupe d’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield, célèbre pour ses projets d’envergure, comme les Ateliers Gaité qui ouvriront leurs portes prochainement à Paris. Oscillant entre la zone commerciale et le lieu de détente, Polygone Riviera a pour ambition de réinscrire l’art et la culture au centre de ces expériences quotidiennes.
Une dense programmation artistique
Depuis son ouverture, le centre commercial jouit d’une belle programmation artistique. Et pour cause, son curator n’est autre que Jérôme Sans, critique, commissaire et ancien co-directeur du Palais de Tokyo. Pour Polygone Riviera, le directeur artistique imagine le projet « Format paysage », un parcours composé de onze oeuvres de plasticiens émérites, disséminées dans ce temple de la consommation. Les créations gravitent dans ce complexe et se répondent, donnant à Polygone Riviera des allures d’institution muséale.
Ici, l’oeuvre prend une tout autre ampleur, se détache de son enveloppe sacrée pour créer un nouveau dialogue avec le visiteur. L’artefact n’est plus une pièce que l’on oserait toucher. Il redevient un objet du quotidien comme en témoigne les motifs et les sujets explorés. L’installation de Tim Noble et de Sue Webster illustre parfaitement cette ambition. « Double négative fountain » n’est autre qu’une fontaine comme l’indique son titre. Seule une mise à distance permet de saisir la portée esthétique de cette composition. Elle laisse entrevoir deux figures se faisant face à la manière d’une illusion d’optique.
L’oeuvre de Jean Michel Othoniel prend pour motif un collier de perles monumental, recouvert de feuilles d’or. À mi-chemin entre la sculpture et la forme architecturale, la parure s’érige vers le ciel et semble flotter dans l’atmosphère. D’autres installations retiennent l’attention comme « Inexorablement, les couleurs glissent » de Daniel Buren. Pour cette création in situ, l’artiste a réinvesti une grande pergola qu’il a recouverte de bandes et filtres colorés.
À cette riche et étonnante collection permanente, viennent s’agréger des présentations temporaires. Après l’exposition d’oeuvres de Joan Miró réalisée en partenariat avec la Fondation Maeght et celle de Philippe Ramette, c’est au tour de l’artiste Lilian Bourgeat d’investir cet hyper-lieu.
« Des Mesures »: plongée dans une autre dimension
« Je recherche l’objet banal, caché dans la vie de tous les jours, à l’inverse du spectaculaire » confie Lilian Bourgeat à Jérôme Sans dans le communiqué de presse de l’exposition « Des Mesures ». Pour cette manifestation inédite, le plasticien dijonnais présente un ensemble de douze sculptures monumentales, symptomatiques de son vocabulaire artistique. Depuis ses débuts, l’artiste joue sur les dimensions, en détournant les objets de notre quotidien. Il cherche ainsi à nous mener vers un autre univers, un imaginaire peuplé de géants et autres créatures extraordinaires, empruntés à ses lectures comme « Le Voyage de Gulliver ».
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Au détour des allées de Polygone Riviera, on retrouve ces compositions surdimensionnées, se fondant dans cette masse d’enseignes et d’échoppes. L’objet reprend ses droits, redevient cette pièce dont tout le monde peut se saisir et avec laquelle on veut interagir. « Banc Public » met en perspective cette idée. Conçue pour l’exposition, cette pièce XXL, sorte de ready-made inversé, nous renvoie à ces questions rhétoriques au coeur des explorations et des interrogations de l’art moderne et contemporain : « Qu’est-ce que l’art ? » « À quel moment suis-je en train de vivre une expérience artistique ? », « Où se trouve la limite entre l’art et la vie ? » Des problématiques qui traversent le travail du plasticien, digne héritier de Marcel Duchamp.
Avec son « Mètre », seconde production créée pour la manifestation, Lilian Bourgeat donne à voir « sa mesure du monde ». Grâce à cet objet fétiche, le plasticien nous invite à nous questionner sur notre vision du monde. Notre interprétation du réel est le fruit de notre perception. Si les échelles sont renversées, la bascule vers une autre dimension peut s’opérer.
En filigrane, l’artiste mène une lourde réflexion sur la valeur iconique des objets et sur l’inconscient collectif comme le montre son oeuvre « Caddies ». Une série de quatre caddies de supermarché géants sont positionnés en plein milieu d’une allée. De ces formes, pourtant si familières, transparaît un sentiment d’inquiétante étrangeté.
Avec des « Des Mesures » Lilian Bourgeat pousse le spectateur aux limites de la perception, par l’exploration d’un territoire commun, le quotidien.
« Des Mesures » de Lilian Bourgeat, du 19 juin au 12 octobre à Polygone Riviera. Cagnes-Sur-Mer, Entrée Libre.
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