Le Centre Pompidou annonce l’acquisition d’un ensemble de NFT et cela soulève des questions.
Un art qui rentre au musée est-il forcément dévitalisé ? La concordance des temps aurait de quoi alimenter le mauvais esprit : dans l’onde de choc du crash de la plateforme d’échanges d’actifs FTX à l’automne dernier, le Centre Pompidou annonce l’acquisition d’un ensemble de NFT. Au total, 18 projets de 13 artistes français et internationaux rejoindront les collections de l’institution. L’opération du Centre Pompidou, en préparation depuis un an en lien avec les équipes scientifiques et administratives du ministère de la Culture, est la plus importante à ce jour en France.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis notre présent accéléré et amnésique, l’engouement au printemps 2021 pour les “jetons non fongibles”, soit des originaux numériques à l’authenticité établie par un certificat basé sur la technologie de la blockchain, semble déjà loin. Certes, la bulle spéculative des “collectibles”, ces équivalents de cartes Pokémon pour kids des années 1990 devenus super-riches, aura vite éclaté. Restent cependant les promesses de décentralisation et d’anonymat alimentées par le Web3, révélatrices d’une envie de s’émanciper des systèmes centralisés de la part des artistes : à la clef, la possibilité pour les artistes de tracer les reventes de leurs œuvres, d’en appeler directement à leur communauté pour financer leurs projets, ou, pour les collectionneur·euses, d’acheter collectivement.
Ces questionnements soulèvent tout autant des réflexions sur l’institution, et sa dépendance au marché, ou sur l’histoire de l’art, et au processus moderniste de la dématérialisation. Marcella Lista, conservatrice au Centre Pompidou, le rappelle : “Il y eut de nombreuses initiatives, comme la création de la Revue virtuelle dans les années 1990, qui était uniquement sur CD-Rom, ou la commande de l’installation vidéo et informatique Zapping Zone à Chris Marker en 1989, Le Tunnel sous l’Atlantique de Maurice Benayoun en 1995… La collection nouveaux médias a été pensée comme une collection prospective dès ses débuts.”
Parmi les artistes à faire leur entrée au musée, les jeunes Français Émilie Brout et Maxime Marion, l’artiste conceptuelle Jill Magid, ou l’artiste digital Jonas Lund. Sans oublier l’inclusion, offert par don, d’un personnage collectionnable CryptoPunk du collectif Larva Labs. Faut-il y lire la fin avérée d’une tentative d’autonomisation de la part des artistes, rattrapé·es par l’institution cannibale ? Ou au contraire, la prise de conscience vertueuse de l’institution réagissant à un écosystème de l’art construit en opposition à elle ? Une exposition prévue pour le printemps prochain au Centre Pompidou devrait permettre d’y voir (un peu) plus clair.
Édito initialement paru dans la newsletter Art du 21 février. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
{"type":"Banniere-Basse"}