Depuis 1989, Hideki Noda reprend régulièrement Sous les fleurs de la forêt de cerisiers . Une pièce qui interroge avec humour ce monde privé de sagesse dans lequel Bouddha a perdu la tête.
Comédie épique digne des frasques shakespeariennes les plus enlevées, Sous les fleurs de la forêt de cerisiers est une pièce phare du théâtre contemporain japonais. Hideki Noda y renoue avec des légendes remontant au XVIIIe siècle pour traiter d’un épisode fondateur de l’histoire de son pays en chroniquant la prise du pouvoir de celui qui fut sacré premier empereur du Japon. Réunissant deux nouvelles écrites dans les années 1950 par Ango Sakaguchi, la pièce prend les allures d’un conte délirant brodé sur cette toile de fond historique.
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On y croise des princesses jumelles et des troupes de démons sauvages tout en suivant les tribulations d’un artisan, un sculpteur sur bois spécialisé dans les représentations de Bouddha. Associant la violence des intrigues politiques à de cruelles pratiques magiques et les chassés-croisés amoureux à des épreuves permettant de se dépasser dans l’art, le metteur en scène s’amuse d’avoir deux fers au feu pour questionner tout autant l’identité politique de la citadelle Japon que son statut d’artiste.
Un Bouddha sans tête caché dans la forêt
Hideki Noda avait 33 ans quand il crée cette pièce en 1989, saisissant l’actualité de la chute du mur de Berlin pour exhorter ses concitoyens à s’ouvrir au monde. Depuis, chaque reprise est l’opportunité de questionner l’histoire.
En 1992, la pièce prend date d’un premier voyage de l’empereur du Japon en Chine, et en 2001, elle s’accorde à une planète sous le choc après la destruction du World Trade Center. Aujourd’hui, Hideki Noda la reprend pour interroger un repli sur soi se cristallisant dans des murs qui se dressent à nouveau et des frontières se refermant en Europe et un peu partout sur terre.
Symbolique d’une époque où l’on cherche en vain la sagesse, c’est un Bouddha sans tête qui se cache derrière la beauté sans partage d’une forêt de cerisiers en fleurs. Dans cette dernière reprise, Hideki Noda s’amuse à recadrer en direct chaque scène à l’aide de rubans fluo, dénonçant ainsi avec beaucoup d’humour le trop grand usage de la vidéo sur les plateaux de théâtre.
Reprenant le pas glissé du nô en l’accouplant à la narration proliférante du kabuki, son show festif s’hybride des influences de la comédie musicale américaine et du cabaret européen dans une succession de tableaux ignorant les temps morts. Avec un texte où chaque réplique se tisse d’une charade de jeux de mots, le metteur en scène vise le rire pour que son message s’adresse au plus grand nombre, sûr d’y voir la planche de salut qui justifie son rôle d’artiste déterminé à être utile pour ne jamais perdre son âme.
Sous les fleurs de la forêt de cerisiers d’après Ango Sakaguchi, texte et mise en scène Hideki Noda en japonais surtitré en français. Du 28 septembre au 3 octobre, dans le cadre de Japonismes 2018, Chaillot, Théâtre national de la danse, Paris XVIe
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