Les Flamands de la compagnie Ontroerend Goed placent les spectateurs, superbanquiers d’un soir, au coeur d’un drôle jeu de société où la folie du système financier est mise à nu.
Un proverbe arménien dit : “Pour connaître quelqu’un, il suffit de manger ou de jouer avec lui.” La preuve avec £¥€$, spectacle interactif de la compagnie flamande Ontroerend Goed, qui se révèle en fait un vaste jeu de société pour quelques dizaines de participants.
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On pénètre dans une salle aux lumières tamisées, un casino où l’on vous désigne une place à l’une des tables devant laquelle officie un.e croupier.ère qui donne la règle du jeu. D’abord, on donne l’argent qu’on a sur soi, en échange de jetons. On découvre qu’on est dans la peau d’une banque et que chaque table porte le nom d’un pays fictif basé sur celui de la personne qui a donné le plus d’argent.
“Vous êtes au centre de notre système économique”
La partie peut commencer : on joue à être les 1 % les plus riches de la planète, “ceux qui tirent les ficelles et dont nous ne voyons jamais les visages. Pour une soirée, vous pouvez prendre leur place. Vous êtes aux commandes. Vous êtes au centre de notre système économique. C’est vous qui déterminez le parcours. Et, qui sait ?, vous pourriez faire de ce monde un endroit meilleur, plus juste, plus responsable, parce que vous ferez les choses différemment.”
Sauf, bien sûr, qu’on se prend vite au jeu, que certains n’aiment pas perdre, et alors, qu’importent les opérations qu’on nous incite à faire – investissements, rachats de dettes, reventes – ou les krachs qui mettent du piment et font monter la tension entre les tables… L’abstraction au cœur du système financier est mise à nu à travers une démonstration implacable et souvent hilarante de la frénésie qui le caractérise.
“La meilleure façon de voler une banque est d’en posséder une”
En exergue au spectacle, la compagnie cite William Crawford, Commissaire du département d’Epargne et d’emprunt de Californie : “La meilleure façon de voler une banque est d’en posséder une.”
Et le metteur en scène Alexander Devriendt d’ajouter : “Dans le titre, vous pouvez lire ‘Lies’(mensonges), ou ‘Eyes’(yeux) ou livre sterling, yen, euro et dollar. Quoi qu’il en soit, que l’on y voie des mensonges ou des devises, il s’agit ici d’argent.”
Beaucoup de pertes, de banques coulées, de pays endettés pour le profit d’une poignée de gagnants : si le déroulement de £¥€$ obéit à une structure dramaturgique rondement menée par les acteurs croupiers, tout dépend au bout du compte des joueurs, de leur mise de départ, mais surtout de l’appât du gain ou, au contraire, du refus de tenir entre leurs mains, sous forme de jetons, la vie des autres. Bougrement instructif !
£¥€$ mise en scène Alexander Devriendt , du 5 au 14 juillet, La Chartreuse-CNES, Villeneuve-lez-Avignon
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