Visite sur le plateau de répétition des Idoles de Christophe Honoré, autour de la disparition d’une génération d’artistes emportés par le sida.
Quand il était encore un jeune aspirant cinéaste de passage à Paris, Christophe Honoré avait par hasard assisté à Jours étranges, une chorégraphie de Dominique Bagouet, qui venait de mourir du sida. Sa fin tragique le rangeait dans une constellation d’artistes dont il admirait l’œuvre et qui étaient déjà morts ou allaient bientôt succomber au même fléau.
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Un quart de siècle plus tard, il a choisi d’ouvrir sa quatrième création théâtrale sur cette même chorégraphie, ici dansée par les fantômes de ses idoles, tous morts du sida entre 1989 et 1995 : Jean-Luc Lagarce (Julien Honoré), Hervé Guibert (Marina Foïs), Bernard-Marie Koltès (Youssouf Abi-Ayad), Serge Daney (Jean-Charles Clichet), Jacques Demy (Marlène Saldana) et Cyril Collard (Harrison Arevalo).
“La question de la transmission et de l’homosexualité”
Après le mouvement viennent les mots, ceux des artistes bien sûr, assez génialement incarnés par chacun des interprètes, mais aussi ceux de Rock Hudson, Liz Taylor ou Michel Foucault. Les mots pour dire la maladie mais aussi pour penser l’amour, l’art, la mort…
Les Idoles vient clore un triptyque initié par le roman Ton père (2017) et poursuivi par le film sorti cette année, Plaire, aimer et courir vite. Ce triptyque, Honoré a ressenti le besoin de le réaliser au moment des débats sur le mariage gay : “Pendant La Manif pour tous, j’ai réalisé que le rapport entre les homosexuels et la société était beaucoup moins apaisé que je ne l’imaginais. En tant qu’artiste gay, je voulais faire trois œuvres se liant autour de la question de la transmission et de l’homosexualité.”
Après un roman autofictionnel et un film au souffle romanesque, le voici donc dans un théâtre qu’on pourrait qualifier de profanation documentaire. Avec ses acteurs, Honoré a ingéré la matière disponible pour chacun (écrits, émissions de radio et de télévision, films) afin de travailler sur des improvisations au ton léger ou plus grave et entrecoupées de moments où la véritable parole de ces artistes défunts est rapportée.
Un besoin de briser les silences toxiques
Sur une scène aux airs de parking délabré, de lieu de drague furtive et anonyme, les données, la pensée et les manies de chacun s’entrechoquent mais sont travesties par la mise en scène et l’interprétation des acteurs. Pendant les répétitions, ils ont pris l’habitude d’évoquer les trois tiers constitutifs de leur personnage : le fantôme qu’ils incarnent, les comédiens qu’ils sont et Honoré.
La profanation induite par les deux derniers tiers y est assumée et pourra déranger. Mais c’est là tout l’enjeu de cette pièce. En invoquant les fantômes d’un passé tragique, en les confrontant au contemporain, Les Idoles nous transmet une vision des œuvres de chacun des artistes autant qu’une revigorante urgence à (re)vivre, à désirer et à créer, un besoin de briser les silences toxiques et d’affirmer sa singularité.
Les Idoles de Christophe Honoré, avec Marina Foïs, Marlène Saldana, du 13 au 22 septembre au Théâtre Vidy-Lausanne puis en tournée en France
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