L’exposition annuelle “Les Extatiques” ouvre ses portes au monde souterrain de la Défense, peuplée d’œuvres d’artistes inspirées par l’urbex, et où survit depuis des décennies la sculpture mythique de l’artiste Raymond Moretti, “Le Monstre”.
Sous le parvis, la plage. À la Défense, l’antre bétonné des salarié·es affairé·es, se cache un monde souterrain, sans que les milliers de banquier·ères stressé·es ne puissent soupçonner ses secrets. De longs couloirs, des tunnels infinis, des espaces immenses sans usage dédié, des gares fantômes comme une ville abandonnée sous le fracas de la ville et des moteurs en transe. Ce labyrinthe obscur de 5 000 m2 a été baptisé “La Cathédrale” à cause de ses plans géométriques laissant deviner une nef, un cœur et quelques anges dissimulés.
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Or, grâce aux “Extatiques”, cet événement annuel proposé par Paris La Défense (l’établissement public local chargé entre autres de l’animation culturelle du quartier), la possibilité de découvrir l’ensemble de la Cathédrale s’offre aux visiteur·euses durant le mois de février (en réservant son billet en amont). Organisé par le collectif “Interstices”, qui regroupe des photographes, peintres, vidéastes, artistes cinétiques et numériques, tous passionné·es par l’exploration urbaine et l’envie de représenter les interstices méconnus du patrimoine urbain ou rural (là où toute présence humaine semble éradiquée), le parcours propose une virée dans cette zone interdite, peuplée durant quelques semaines d’œuvres éphémères. La plupart d’entre elles jouent avec la matérialité froide de l’espace, évoquant dans les angles morts de la cathédrale la force de la nature reprenant ses droits sur les lieux abandonnés. Des photos de Diane Dufraisy-Couraud, Cassandre Charpentier ou Maxime Rouge, aux peintures de Lün, Rea One ou Caligr, des installations de Katre et Apôtre à des vidéos de Will Duval…, les artistes ici présent·es ajustent leurs interventions à la puissance du lieu bétonné, pour lui donner un éclat inattendu, qui aurait la sensualité comme motif symétrique ajusté à la dureté ambiante.
Voir le Monstre
Cette drôle d’expérience d’explorer un monde de ruines post-apocalyptique, interdit aux regards du jour, se double d’une autre sensation rare : découvrir au bout d’un tunnel un lieu mythique du monde de l’art. En l’occurrence l’atelier de l’artiste sculpteur et dessinateur Raymond Moretti, qui dès les années 1970 s’était installé dans cette immense cavité opaque, où il pouvait se laisser aller à ses délires picturaux et constructifs.
C’est dans cette caverne de plus de 1 000m2 qu’il poursuivit durant des décennies, jusqu’à sa mort en 2005, l’œuvre de sa vie, une sculpture monumentale intitulée Le Monstre de la Défense, qui dans un enchevêtrement baroque et cubiste de matières et de formes semble matérialiser l’idée de la folie, de l’infini, de l’insaisissable condition humaine. C’est l’écrivain Joseph Kessel qui baptisa cette œuvre inconnue du public Le Monstre.
En la contemplant sans jamais bien comprendre sa logique esthétique, on comprend d’autant mieux l’intuition de Kessel. Au terme de cette virée dans les bas-fonds de la Défense, cette expérience relève d’un “miracle” esthétique : la Cathédrale a tenu ses promesses. Le retour a la surface du parvis de la Défense rappelle aux visiteur·euses combien on peut se perdre dans les bas-fonds où se cachent des monstres gentils.
Les Extatiques dans les sous-sols de Paris La Défense, du 2 au 18 février 2024
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