La légendaire Catherine Malfitano, la jeune Angel Blue : Christophe Honoré dédouble sa cantatrice dans une mise en scène cinéphile et retransmet sur grand écran le passage de témoin entre deux divas.
Sous la baguette subtile du chef Daniele Rustioni, Tosca de Puccini resplendit d’un tissage expert des motifs qui exacerbe sa musicalité envoûtante. Sur fond des luttes politiques qui agitent l’Italie à la fin du XVIIIe siècle, l’opéra se réclame d’une première mise en abyme en ciblant le destin d’une chanteuse pour dérouler la pelote de ses amours tragiques avec un activiste pourchassé par la police.
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Passée à la question avec une jouissance cruelle par Christophe Honoré, l’œuvre devient l’espace fertile d’un jeu de réminiscences se déployant dans un débondage tumultueux d’images qui embrasse tous ses possibles.
Avec Catherine Malfitano, qui porta jadis le rôle de Tosca à des sommets dignes de la transe (aux côtés de Ruggero Raimondi et Placido Domingo dans une captation en décors naturels signée Andrea Andermann en 1992), et la jeune soprane américaine Angel Blue, qui se confronte à une première prise de rôle, Christophe Honoré réunit sur scène deux Tosca.
https://www.youtube.com/watch?v=DxVZK3lpyh4
Le scénario inventé du cérémonial de transmission entre les deux femmes fait monter la mayonnaise d’une pure fiction, relayée en direct par des images qu’on découvre plein cadre ou façon split screen sur l’écran qui surplombe le plateau.
Ici “Sunset Boulevard”…
Le réalisateur-metteur en scène puise à ses affinités cinéphiliques tout autant qu’au format du documentaire pour réinventer sa Tosca, en miroir d’un spectacle monstre qui les contiendrait toutes. Ainsi, la soirée s’ouvre là où se terre la diva retirée du monde, dans un appartement-musée empli des trophées dédiés à sa gloire passée.
Ce clin d’œil à Sunset Boulevard de Billy Wilder autorise à mettre en présence deux générations d’interprètes, l’une qui ne se s’est jamais consolée d’avoir dû raccrocher les gants, l’autre qui débarque en jeans et hoodie pour témoigner du présent de son chant.
https://youtu.be/jUTqVENW9Qc?t=213
Défilant façon trombinoscope au fil des airs de l’opéra, les images d’archives de celles qui ont marqué le rôle deviennent autant de figures tutélaires penchées sur le berceau : de Claudia Muzio à Maria Jeritza, de Maria Callas à Renata Tebaldi et Leontyne Price, sans oublier Catherine Malfitano.
…Là Dario Argento ou Bergman
On glisse vers le registre des films de Dario Argento, quand le sang de la vengeance coule et qu’il passe comme un poison des mains rougies de l’impétrante au visage de son aînée, qui porte encore la fameuse robe rouge de Tosca et hante désormais la scène en fantôme de l’opéra.
De La Reine Margot de Patrice Chéreau à Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman, le déluge de références nourrit encore un temps le propos avant un troisième acte minimaliste où l’orchestre prend possession du plateau, pour un finale d’anthologie qui laisse aussi bouleversé et conquis que groggy.
Tosca de Giacomo Puccini, direction musicale Daniele Rustioni, mise en scène Christophe Honoré. Avec Angel Blue, Catherine Malfitano, Joseph Calleja, Alexey Markov. Jusqu’au 22 juillet, Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence. En italien surtitré français et anglais
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